
Trouble is my business t1 un polar noir comme on les aime
Derrière ce titre énigmatique et plein de promesses à la fois, se cache une oeuvre inédite en France du grand Jirô Taniguchi et de son complice Natsuo Sekikawa. Les admirateurs de Taniguchi vont pouvoir découvrir, avec ce polar palpitant à l’humour noir, une nouvelle facette de l’auteur de “Quartier Lointain” .
“Trouble is my business” n’est autre que la devise du héros Jotaro Fukamachi. Ce détective privé de haut vol apprécie, quoi qu’il en dise, les affaires compliquées. Toujours fauché, sa pingrerie est aussi légendaire que son implication dans son travail et le respect qu’il accorde à la parole donnée. Sous ses airs de dur à cuire, c’est un sentimental ce Fukamachi. Très proche de sa fille, il a également du mal à oublier son ex-femme, une femme aussi fière qu’indépendante, mais qui rêvait d’une vie de famille bien rangée.
D’une droiture sans égale en ce qui concerne ses principes , il se consacre corps et âme à une affaire, quitte à mettre sa vie en danger ou à renoncer à une affaire plus juteuse, et malgré sa réputation de fin limier, amplement méritée, il est loin de rouler sur l’or. Son agence un peu miteuse, “Shark Investigation Office”, se trouve dans le cabinet dentaire d’une femme de tête .
Dans une ambiance très Eighties, ses différentes affaires de recherches de personnes, protection rapprochée, enquête de moeurs, etc le conduisent à côtoyer les faces les plus sombres de l’être humain. Toutefois, dans cette noirceur ambiante, quelques lueurs d’espoir subsistent. Ainsi, malgré les apparences, il se lie d’amitié avec un chef yakuza (ou plutôt un entrepreneur radical) des plus distingués et entretient une relation des plus ambiguë avec un commissaire plus ou moins ripou. Les femmes sont fatales, les types sont louches, mais tous participent à donner du corps à cet ouvrage.
Les différentes histoires composant ce premier volume alternent entre tragique et comique. Les situations, tout comme les personnages, sont souvent désespérés, mais l’humour noir omniprésent offre un cachet tout particulier à cette série. Une fois l’épais volume en main, on ne le lâche plus tant le scénario est bien mené. Sous la joie de vivre apparente de la fin des années 70′ la nouvelle décennie voit déjà poindre de nombreux changements qui ne semblent pourtant pas réellement affecter notre héros old school, qui se révèle étrangement attachant. C’est un regard quelque peu désabusé que portent les auteurs sur la société nipponne du début des années 80′.
Pour sa part, le dessin très graphique, mais plus lourd, est loin de ce à quoi Taniguchi nous avait habitué. Parfaitement maitrisé et soigné, il offre une large palette de personnages et d’environnements à la fois sombres, glauques et parfois magnifiques. Malgré un découpage des cases très conventionnel, le tout est extrêmement fluide et dynamique. Il s’accorde parfaitement à la narration, confère une ambiance tout à fait unique entre le roman graphique et le gekida (manga dramatique pour adulte, majoritairement publié dans les années 60′-70′) avec des accents cinématographiques des classiques un peu rétro.