
Sengo tome 3 : orphelins et kamikazes
Sansuke Yamada poursuit sa série Sengo sur le Japon d’après-guerre (voir l’article sur les deux premiers tomes). Un troisième tome qui explore, entre autres, la problématique de la famille.
Kawashima et Kuroda sont deux anciens soldats de retour dans un Tokyo dévasté par la seconde guerre mondiale et sous occupation américaine. Dans un quotidien imbibé d’alcool, entre combines variées et souvenirs de la guerre, les deux hommes tentent de se réadapter à la vie normale. L’histoire reprend alors que Kawashima, hanté par le souvenir des morts et de l’homme qu’il a dû décapiter, finit par sortir de sa narcolepsie. Kuroda, quant à lui, cherche comment maintenir le lien avec ses compagnons d’armes tombés sur le front, tout en s’occupant d’enfants livrés à eux-mêmes.
Ce troisième tome aborde le thème de la famille par le biais de différents points de vue. Chacun se constitue une famille de fortune selon les rencontres, par affinités, origine ou encore par opportunisme. On croise par exemple ce groupe d’orphelins vivant dans la rue, entre la peur des rafles du gouvernement et les petits boulots pour manger, qui attendent le retour de leurs pères disparus à la guerre. Si nombreux sont ceux qui cherchent à retrouver la sécurité d’une famille, certains comme Kawashima ont préféré ne pas recontacter la leur, ne sachant probablement pas comment faire cohabiter celui qu’ils étaient en la quittant et celui qu’ils sont devenus.
Par cette thématique, Sansuke Yamada aborde également celle des kamikazes. Ces jeunes hommes considérés comme des dieux pendant la guerre, conditionnés pour donner leur vie pour leur pays, s’interrogent ici sur la valeur de leur sacrifice, et sur le sort de leur famille si, une fois disparus, le Japon perdait malgré tout. Au travers du portrait de kamikazes déchus, qui sont rentrés sans avoir pu mener à bien leur mission car le Japon a capitulé, on observe des hommes dont les certitudes ont été détruites, en même temps que le sens de leur vie.
Sengo soulève aussi d’autres problématiques inhérentes à l’époque, comme le racisme réciproque entre japonais et coréens, les cambriolages, les profiteurs du marché noir ou encore la violence des forces de police, parfaitement au courant des activités des yakuzas.
Avec ce troisième tome, Sansuke Yamada nous dévoile de nouvelles facettes de l’histoire du Japon, pour un portrait de cette époque qui gagne en épaisseur, petit à petit. Une série qui mérite amplement le Prix Asie de la Critique ACBD 2020 qu’elle vient de remporter.
Sengo T3 : Familles, de Sansuke Yamada
184 pages – 9,45€ – Casterman
Visuel : couverture © Casterman