
Live Report’: sombre et décevante clôture du cycle Beethoven pour Gatti et l’Orchestre National de France
Ce jeudi, l’Orchestre National de France achevait le cycle dédié à Beethoven avec la monumentale 9ème symphonie, spécialement connue du grand public pour son dernier mouvement qui introduit des sections chantées reprenant l’ode à la joie de Schiller. Comme pour chacun des concerts, était également représentée une création inédite, signée ici de Bruno Mantovani, Cantate n°3, deuxième partie.
Le concert débute par la composition de Bruno Mantovani, l’œuvre reprend l’instrumentation de la Neuvième et laisse donc place au chœur, de même elle utilise des textes de Schiller. Le caractère général est du début à la fin énigmatique, suspicieux, obscur et ténébreux, tendu et étrange. Les cordes entretiennent tout du long le suspense, bourdonnantes et frémissantes la majorité du temps. Les cuivres (trompettes particulièrement) sont réduits à un rôle percussif, retentissant. Les percussions, trop nombreuses évoquent un caractère ethnique qui nous laisse sceptiques. En outre, à notre grand désespoir le chœur n’est pas mis en valeur, bien au contraire, les voix sont desservies, confinées dans des sonorités ternes et froides elles ne chantent pas. Malheureusement, on reste incrédules, perplexes et dans l’incompréhension totale face à cette œuvre qui semble être un exercice de style et n’évoque que peu d’images et d’émotions. Au final, la création semble n’être qu’un amas de procédés de compositions divers et variés mis bout à bout les uns aux autres, auquel on ne trouve aucun véritable fil conducteur. Très abstraite, elle n’emporte pas l’adhésion du public qui reste dubitatif, applaudissant nonchalamment l’exécution, comme le compositeur.
Après une telle déconvenue, on attendait donc de la 9ème qu’elle vienne ravir le cœur et l’oreille, désorientée par l’œuvre précédente. En outre, parce qu’il s’agissait d’un concert de clôture, parce que la 9ème est la dernière et plus grande symphonie du compositeur allemand, parce qu’elle est considérée comme « La dernière symphonie » par Wagner, tel le couronnement, la récapitulation des différentes aspirations évoquées par les autres symphonies, l’on s’attendait à une prestation brillante, un éclatement resplendissant, tel le bouquet final d’un feu d’artifice.
Malheureusement, l’exécution de cette œuvre exceptionnelle de grandeur autant que de splendeur par Danièle Gatti et de l’Orchestre National de France, engendra plus désillusion, désenchantement et déception, qu’émotion et ravissement. Départs imprécis et manque de réactivité des musiciens se constatent à vue d’œil. En outre, contrairement au précédent concert et à la magique héroïque qui avait été donnée lundi soir, ni Danièle Gatti, ni les musiciens ne semblent ce soir réellement investis, habités par l’œuvre de Beethoven. Néanmoins le maestro tente de soigner la rythmique marquée et exagère les silences, de même les nuances et si l’on reconnaît de très jolies piano, les approximations répétées, le manque de soins dans les soli des différents pupitres, mettent en lumière un cruel manque d’équilibre. De même, on est surpris et on reste interrogatifs quant aux problèmes de justesse et aux différents timbres des instrumentistes. Ainsi tout au long de la symphonie, on observe des bois en peine qui semblent lutter constamment dans les aigus, le hautbois et la flûte traversière en particulier, également des cuivres négligeants dont certaines attaques flatulentes nous laissent sans voix, et comme à leur habitude des cordes imprécises, incapables de jouer ensemble. On reconnaît toutefois que les grands thèmes sont heureusement bien traités, notamment dans le second mouvement, dommage que toute l’œuvre n’ait pas été exécutée avec le même soin. Néanmoins, on s’ennuie littéralement dans le troisième mouvement. In fine, seul le quatrième mouvement, celui ou intervient le chœur nous permet de rêver et de nous élever quelque peu. L’orchestre semble d’ailleurs se réveiller enfin. On salue particulièrement le pupitre de contrebasse qui débute le mouvement avec beaucoup de sensibilité et de précision dans une nuance piano extrême. De même le chœur tout entier ainsi que les choristes solistes qui nous ont permis d’oublier, de porter moindre attention aux imperfections de l’orchestre en dessous, et qui rehaussent largement la prestation globale de cette soirée. En effet, ils nous offrirent une ode à la joie magique, majestueuse, puissante, noble et profonde empreinte d’une grande intensité.
Si l’on termine donc le concert en étant ravis, on reste très déçus par l’Orchestre National de France qui nous a livré une prestation plus que contestable. Une mauvaise surprise qui nous laisse un gout amer et suscite bon nombre d’interrogations qu’un orchestre dont le niveau, le statut et la renommée ne devraient guère suggérer. En outre, si l’on dresse le bilan de ce cycle, on constate une irrégularité flagrante en terme de qualité, mais également un manque d’équilibre au sein de l’orchestre et des différents pupitres qui ne devrait pas avoir lieu d’être pour un orchestre d’un tel rang.
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Visuels: site radiofrance.com
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Commentaire(s)
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Domguil
Tres surpris par votre remarque concernant les choristes solistes. Il s’agit sûrement d’une erreur. De grands solistes internationaux comme Riccarda Merbeth ou Robert Dean Smith entre autres ne sont même pas cités. Quant à votre avis sur Mantovani : c’est un peu court. Il y avait tout de même de la poésie et de l’expression.
Pascal
@ Domguil : Je vous invite à relire plus attentivement cet article. En effet a la lecture de celui-ci on voit que la journaliste loue au contraire le travail du choeur, et plus particulièrement celui des choristes solo, qui “nous ont permis d’oublier, de porter moindre attention aux imperfections de l’orchestre en dessous, et qui rehaussent largement la prestation globale de cette soirée”.