
Les Courts-circuits de François Verret sans électrochoc
François Verret présente dans la Cour carrée du Lycée Saint-Joseph « Courts-circuits », sa deuxième création pour le Festival d’Avignon où il était présent en 2006 avec « Sans retour ». Dans ce spectacle, il met en question l’état du monde à travers une exploration subjective, visuelle et sonore, à la fois lourdement matérielle et insaisissable, laissée ouverte à une multitude d’interprétations. Son approche du plateau est multiple, très contemporaine. Il livre une performance qui oscille entre ballet dansé, théâtre, et installation plastique pour donner à voir et à entendre le tragique de la condition humaine.
On voit dans “Courts-circuits” la déréliction comportementale d’êtres humains inadaptés qui se débattent, solitaires, dans le monde, se livrent à un combat avec leur environnement qui se déglingue et qui court à sa destruction, un thème au combien ressassé sur les plateaux, mais soutenu avec conviction par des interprètes engagés et un recours dominant aux technologies les plus pointues et à la vidéo. Ils sont danseurs, acteurs, musiciens, se meuvent dans une vaste et belle scénographie, étrange, sombre, encombrée, ils se heurtent à des montagnes de palettes plastifiées, des instruments de musique, des pieds de micros. L’espace conçu est intéressant car il comporte en fait une multiplicité de lieux, abstraits, vrais ou cérébraux, dans lesquels ils évoluent, se trouvent soit cloisonnés soit égarés, et notamment un lieu refuge, une sorte de boîte blanche et transparente, à la marge de l’agitation scénique. Beaucoup d’images, de hurlements, ainsi qu’une création sonore nerveuse et saturée, jouée en directe, font la richesse de l’univers proposé. Mais voilà, toute cette amplification matraquée et démonstrative, en panne d’émotion, perd son impact pour abrutir sans subtilité.
Le plateau est un lieu de l’exutoire, du défoulement, pour que puissent s’y exprimer des sensations telles que la perte des repères, l’incommunicabilité, la lutte, autant d’états traduits par des corps sous tensions, désarticulés qui s’écroulent sans pouvoir se raccrocher à rien. François Verret brocarde le monde de l’entreprise, la sphère du pouvoir (les interprètes sont en costumes cravates et singent les attitudes des hommes politiques), le culte de l’apparence à travers le portrait d’une femme enveloppée dans un manteau léopard qui répète en boucle “regardez-moi”.
Le message est clair, on reconnaît une pensée lucide et en mouvement de la société contemporaine, consommatrice et destructrice, qui part en vrille. On n’en est pas bouleversé. Cette édition du Festival d’Avignon nous a, une fois de plus, tendu un miroir sombre de notre existence à travers la vision du monde chaotique de Vincent Macaigne, la souffrance et la rage d’Angélica Liddell, des grands artistes dont le geste artistique s’établit d’une manière plus radicale, viscérale ; ici, le discours et son mode de représentation semblent plus branchés, trop formels, moins organiques. Tout y est froid, distant, déshumanisé, ennuyeux.
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4 thoughts on “Les Courts-circuits de François Verret sans électrochoc”
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Jesse Longman
Courts-Circuits, François Verret’s music and dance-theater piece performing at this year’s Avignon theater festival is a comprehensive look at hysteria, whose obsessive portraiture is not only compelling to watch, but dramaturgically masterful in its composition and performance. Deploying a careful aesthetic, Verret is able to render this serial spectacle of debasement, without the help of traditional narrative-dramaturgy, without character development and without the interstitial distraction a subplot or even a coherent text might have provided him. Rather, the director chooses to indulge his subject, which for simplicity’s sake, I’m going to call hysteria, in an episodic manner: choreographing, music, dance, video and speech as motivation for the plot’s progressive motion. It’s mordant and contemporary, and often referential in its behavior, and it’s very cool to watch, but more importantly, it busies itself so near to the skin with such variety and skill that its endurance, its imagination and its fluidity is often as affecting as anything else. The result, best as I can tell, is tonal: vague, dystopic and even, cruelly, a bit bored by its own manner, it is presented with such lapidary care as to render a portrait of humiliation that is faithful to the emotion without challenging the audience’s privilege to inspect it. For in giving the performer the audience she desires, we are simultaneously granting her an audience for her own humiliation. And so, each performance is embarrassed by its own desire to be seen.
Paulina
Thanks for sharing. What a plasuree to read!