
Daphné et son blues de la lagune
Comme nous vous l’annoncions, le 3e album de la fée aux albums colorés sort le 7 février. La lauréate du prix Constantin 2008 fête ça dignement le soir même par un concert aux Bouffes du Nord qui affiche déjà complet. Il faut bien dire que “Bleu Venise (V2/universal) atteint des sommets. Fluide comme un trajet de Vaporetto entre Saint-Marc et le Lido, l’album est un voyage où Daphné se met en scène, seule, en chagrin d’amour à Venise. Le blues de la lagune opère et “Bleu Venise” est un des plus beaux albums de ce début d’année.
A première vue, “Bleu Venise” suit à la lettre la recette magique du précédent album “Carmine” : une dizaine de chansons en français, deux en anglais plus un zeste d’italien, une musique chiadée et douce-amère piquée de clochettes pétillantes, des textes qui savent proposer des mots inattendus et souvent un peu mystérieux, la voix si spécifique de Daphné qui s’étrangle parfois d’émotion, un premier single qui n’a rien à voir avec le reste de l’album et donne envie de swinguer “original”: “L’homme à la peau musicale” (“Musicamor” dans Carmine), et surtout une chanson qui frappe comme un coup de poing de simplicité et de tristesse : “Portrait d’un Vertige” (“Mourir” d’un œil dans Carmine).
Et pourquoi pas reprendre une recette qui enchante ? D’autant plus que dans le cas de Daphné, on pourrait plutôt parler de signature, tant la chanteuse peaufine et ses textes et sa voix et son rôle d’inconnue au cœur brisé et au sourire nouvelle vague. Avec la complicité du guitariste et compositeur Séabstien Hoog (Izia, Barbara Carlotti), de l’arrangeur Rémy Galichet (Renan Luce, Cali, Benjamin Biolay), et du réalisateur et arrangeur Larry Klein (Joni Mitchell, Madeleine Peyroux), Daphné progresse le long du grand canal de la mélancolie : les textes sont tellement construits (“Oublier la ville”), que la chanteuse peut se permettre le titre sans verbe “de Moi plus vouloir dormir seule”. Alors que la voix fragile de Daphné était parfois au bord de la rupture dans les deux premiers albums, elle est entièrement maîtrisée dans ce volet vénitien (“Even orphans have a Kingdom”, “The Death od Santa Claus”). Et l’album avance comme le journal intime d’une héroïne de Luchino Visconti : La solitude poétique que l’homme manquant ouvre dans une douce caresse de manque. où la musique vient s’engouffrer.” Avec en route quelques petites pauses de pure tendresse où Daphné fait parfois étrangement penser à notre Première Dame (“Chanson d’Orange et de Désir”). En Marinière comme en robe noire de dentelle, Daphné évoque aussi bien le chagrin que la possibilité de lui tirer sa révérence : L’album finit avec “Hors Temps” sur un embarquement pour Cythère. Un disque qui fait osciller entre les clochettes de la vie et les grands fantômes de cordes du passé et qui s’écoute d’une traite, puis encore et encore…
“Je vis au bord d’un précipice/ Et jous de grand vent s’est danger/ Et tu n’as pas su prendre le risque/ Le risque d’aimer/ T’as cru qu’il me fallait la lune / Et d’un héros pour cavalier/ Je m’en fous bien d’avoir la lune / Et Tarzan à mes pieds.” (“Portrait d’un vertige”).
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