Livre : No et moi, de Delphine de Vigan
En lice pour le Goncourt, le quatrième livre de Delphine de Vigan est un subtil roman d’apprentissage. On y découvre Paris et ses disparités par la voix de l’héroïne, Lou, 13 ans, la plus jeune et la meilleure élève de sa classe.
Lou Bertignac sait sur quoi elle veut faire un exposé pour le cours de sciences humaines et sociales : sur les jeunes femmes devenues SDF. C’est sa rencontre avec No(lwenn), gare d’Austerlitz qui l’a décidée. De verre en verre, l’adolescente apprivoise la jeune femme fière et sauvage de 18 ans. Parfois, la timide jeune fille prend même des décisions pour son amie sans abri et épuisée. Et leur relation ne s’arrête pas après le succès de l’exposé. Aussi intelligente humainement qu’intellectuellement, .Lou n’arrive pas à oublier No. Et elle se met en tête de l’aider. Le passé de No est lourd, et quelques mois dans la famille de Lou ne suffisent pas à la guérir, même si, enfin elle n’est plus seule. On se demande même si No ne fait pas plus de bien à Lou que le contraire : le passage de la jeune fille chez les Bertignac vient transformer l’atmosphère pesante de la maison. Tout ce que Lou a sur le coeur ressort, même si c’est avec brutalité. Et sa maman sort soudainement d’une dépression de quatre ans. . Et l’amitié entre les deux jeunes filles vient resserrer les liens naissant entre Lou et Lucas, le sympathique cancre de la classe. Un peu comme dans le « théorème » de Pasolini, No passe chez les Bertignac comme un ange. Fragile, elle conserve jusqu’à la fin de l’élégant roman de Delphine de Vigan son aura et son secret. C’est du point de vue de Lou que l’histoire nous est contée. L’auteure parvient avec des mots simples et forts à faire vivre le monde intérieur d’une adolescente plus affûtée et plus sensible que la moyenne des filles de son âge. Ni simplistes, ni exagérément philosophiques, ses pertinentes questions nous rappellent parfois celles que nous avions pu nous poser, avant, et que nous avons mises de côté pour vivre « comme les autres » dans le monde des adultes.
Delphine de Vigan, NO et moi, JC Lattès, 14 euros.
« L’été suivant nous avons rejoint des amis à la mer. Maman est restée presque tout le temps dans la maison… Il faisait chaud cette année-là, une drôle de chaleur moite, collante, et tout, avec mon père nous avons essayé de rester gais, de retrouver l’ambiance de nos vacances, comme avant, mais nous n’étions pas assez forts
Maintenant je sais une bonne fois pour toutes qu’on ne chasse pas les images, et encore moins les brèches invisibles qui se creusent au fond des ventres, on ne chasse pas les résonances, ni les souvenirs qui se réveillent quand la nuit tombe ou au petit matin, on ne chasse pas l’écho des cris et encore moins celui du silence. » p. 57
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