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A l’abri de rien, d’Olivier Adam

23 September 2010 | PAR Yaël Hirsch

Mère de famille aimante, mais au chômage, Marie souffre de ne pas avoir de perspectives d’avenir. Jusqu’au jour où deux incidents lui ouvrent les portes d’un autre monde. Tombée en panne sur la route pour cause de crevaison, c’est un homme bourru qui l’aide. Jamal est l’un des nombreux réfugiés illegaux venus d’Irak, d’Iran ou d’autres pays où , personnages politiquement non-gratta, ils risqueraient la mort. L’homme lui change sa roue sans rien demander en retour et s’en va sans demander son reste. Le lendemain, lors d’une ballade sans but, elle tombe sur un centre improvisé d’aide à ces réfugiés. Si les gens du coin et la police n’ont que « mépris » pour ceux qu’ils nomment génériquement « les kosovars ». En servant des repas et nettoyant les plaies de ces hommes, Marie se rend compte des affres dans lesquels peut tomber un homme. Guidée par l’énergique Isabelle, pasoniaria de la cause des réfugiés sans papiers et qui les héberge chez elle, elle se laisse griser par la sensation d’être enfin utile… Au point d’en délaisser son mari et ses enfants. Comme possédée par sa mission, elle vacille quand elle constate que leur combat n’est qu’une bataille contre les moulins à vent de l’ordre social et policier.

Avec des phrases courtes et des personnages neutres, perdus, mais dotés de cette force réflexive que Marguerite Duras donnait à sa fascinante « Lol V. Stein », Olivier Adam parvient véritablement à recréer l’atmosphère grise qui règne aux frontières entre la France et la Grande Bretagne à l’heure où des milliers de sans-papiers s’y cachent et y risquent les coups, le froid, la faim et l’expulsion. Le regard de Marie, “femme sous influence” et citoyenne Française de modeste condition est comme un éclair de lucidité dans une mare stagnante d’inhumanité et de désespoir. L’amour qui règne dans son foyer est un baume au coeur dans la symphonie caquetante des ragots mesquins et des égoïsmes d’une communauté enferrée dans des hypermarchés préfabriqués.

Olivier Adam, « A l’abri de rien », L’Olivier, 18 euros

« Personne ne se remet jamais de rien. Il suffit de regarder les gens autour de nous. Ici et ailleurs. Dans la rue, dans les maisons, partout. Ce que chacun trimballe de casseroles, et qu’on enterre avec soi » p. 35

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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