Théâtre
« Viejo, solo y puto » : une Argentine ennuyeuse, prise à vif mais en manque de vie

« Viejo, solo y puto » : une Argentine ennuyeuse, prise à vif mais en manque de vie

21 January 2015 | PAR Geoffrey Nabavian

Malgré cinq interprètes de grand talent, ce spectacle de l’argentin Sergio Boris s’essouffle vite. Cette photographie crue du présent de son pays ne trouble hélas pas beaucoup. L’équipe a voulu convoquer le « vrai » sans tricher, mais le manque de formes et d’enjeu lasse vite.

[rating=2]

Viejo solo y putoL’arrière-boutique d’une pharmacie. A l’intérieur, Evaristo, le fils du propriétaire. Et Claudio, ami à lui, trempant dans le commerce non-officiel de médicaments. Claudio, qui est là avec son amant, un travesti du nom de Sandra. Et avec le protecteur de celui-ci : Julia. Arrive Daniel, le frère cadet d’Evaristo, désireux d’être pharmacien, mais aussi de rester droit. Son air énervé et tendu laisse présager qu’il échouera. C’est que dans l’Argentine actuelle…

Préparation pour une « soirée mousse », pizzas, bières, injections d’hormones prises sur les rayonnages, et tranches de dialogues crus et à vif : il n’y a, au final, pas de véritable action dans Viejo, solo y puto. Pas de trame, pas d’évolution. Impossible, même, de parler d’instantanés : on est confronté à une situation. Désespérée, bien sûr. On y perçoit des traces d’improvisation. Sergio Boris (acteur qu’on a vu dans des films comme Whisky Romeo Lulu, Felicidad ou Canada Morrison) confie avoir voulu convoquer, plutôt que des personnages, « d’autres forces, non bourgeoises ». Avec pour but de créer « un espace qui n’est pas la vie mais qui lui ressemble ».

Fotografía de prensa de Viejo Solo Y Puto. Dirección Sergio Boris.Un décalage infime devrait en jaillir, afin que toute cette noirceur trouble et devienne lyrique. Mais le spectacle n’aboutit ni à du lyrisme, ni à des questionnements. L’indéfinition, plutôt que de permettre à l’imprévu d’émerger sur la scène de théâtre, finit par figer tout. Car on se sent à distance. On n’a pas l’impression d’accéder à l’intériorité de ces hommes. Et on ne comprend pas leurs rapports. Du même coup, lorsque les épanchements surviennent, ils apparaissent forcés. D’autre part, ce qui se dit reste trop directement social ou politique, donc artificiel. Trop elliptique, également, pour qu’on saisisse en pensée l’ampleur des problèmes argentins. Et comme on a du mal à ressentir…

Cette « photographie » finit par devenir monolithique. L’heure dix que dure le spectacle apparaît longue. D’autant plus dommage que les interprètes sont excellents, Federico Liss en particulier, déchaîné dans la sincérité. Chacun joue-t-il son propre rôle ? on n’en est pas sûr. Et le problème est peut-être là : à force de vouloir le faire croire, on voit trop l’acteur en train de jouer, sous la situation… On aurait pourtant aimé être hypnotisés… Mais cette noirceur manque d’enjeu…

Viejo, solo y puto, un spectacle mis en scène par Sergio Boris. Avec Patricio Aramburu, Jorge Eiro, Marcelo Ferrari, Dario Guersenzvaig, Federico Liss. Durée : 1h10. A Aubervilliers, au Théâtre de la Commune, jusqu’au 29 janvier.

Photo : copyright Brenda Bianco

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