Théâtre
“Joueurs, Mao II, Les Noms” par Julien Gosselin, marathon théâtre-cinéma époustouflant

“Joueurs, Mao II, Les Noms” par Julien Gosselin, marathon théâtre-cinéma époustouflant

09 July 2018 | PAR Elie Petit

Julien Gosselin présente dans le cadre du Festival d’Avignon une pièce marathon de 10 heures inspirée de trois livres de l’écrivain américain Don DeLillo. Un marathon haletant et maîtrisé tenu par une caméra et un jeu d’acteur époustouflant.

Julien Gosselin, visage de la jeune génération avec Thomas Jolly, aime les formes longues. Déjà, dans 2666, c’est 11h30 de scène qu’il proposait. Ici ce sont 10h, initialement prévues 8 pour parcourir les romans JoueursMao II, Les Noms de Don DeLillo. Ces trois textes, écrits respectivement  en 1977, 1991 et 1982, y trouvent un lien, une cohérence à ce qu’ils ont trait au rapport des mots à la violence, de la violence aux mots, au rapport aux institutions et aux rituels.

Les écrans géants se succèdent en avant et fond de scène. La caméra est omniprésente pour capturer des scènes de dîners, de disputes plus vrais que nature. La première partie ne fait pas apparaître la scène et ce n’est qu’au bout d’une demi-heure qu’une courte incursion des personnages sur scène montre que le tout est filmé en live. A saluer évidemment, le travail du scénographe Hubert Colas qui permet, grâce à ses décors et à ses agencements, un théâtre-cinéma d’une maîtrise, d’une réalité absolue. 

On retrouve avec plaisir les comédiens et comédiennes de sa troupe “Si vous pouviez lécher mon coeur”. Denis Eyriey est excellent en banquier ravageur dans Joueurs, Adama Diop dans Les Noms tient la pièce de sa voix et ses intonations, Frédéric Leidgens est hallucinant en écrivain puis épigraphe dans les deux dernières pièces. Aussi, Noémie Gantier qui change de voix et d’allure, quand elle joue une photographe ou une femme d’affaire étrange.

En 10 heures, on est projeté à New-York, entre les salles de cotations des années 70, en vacances dans le Maine, à Toronto, à Beyrouth en guerre, à Amman, à Athènes. Un voyage fluide et agréable, conduit par une bande-son réalisée en live, à trois, qui entête et produit un effet de progression continue du désir d’en voir toujours plus. Et la musique sert parfois la fête, électronique ou traditionnelle, comme on aime en vivre au théâtre et comme Gosselin sait en proposer.

On regrettera un final un peu trop long, qui achèvera l’épuisement d’un public qui pourtant tenait, amusé par les intermèdes de cabarets socialistes interprétés par les comédiens en chinois, ou la performance assise jouée sur un autre texte de Don DeLillo, Le Marteau et la Faucille, pour que jamais il n’y ait de véritable entracte.

Les images sont belles, le changement de scénographie, caché ou en direct, est impressionnant. On en sort sonné, vers 1h du matin, comme d’une expérience nouvelle, presque hallucinatoire. Gosselin signe ici une pièce monumentale, intéressante et puissante. Elle sera présentée en trois parties au Théâtre de l’Odéon à la rentrée 2018.

Du 7 au 13 juillet 2018 à la Fabrica d’Avignon à 15h.

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Elie Petit
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