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Stadium, Mohamed El Khatib fait rire la misère

Stadium, Mohamed El Khatib fait rire la misère

28 September 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Mohamed El Khatib ne quitte jamais l’intime. Après nous avoir fait offrande des derniers jours de sa maman (Finir en beauté, découvert au Off d’Avignon 2015) puis s’être attaché à dresser le magnifique portrait de Corinne Dadat, femme de ménage, il se questionne sur les relations entre les différents types de publics. Quel est le lien entre les spectateurs du Théâtre National de la Colline et les supporters du Racing Club de Lens ? Réponse donnée par le Festival d’Automne  le Théâtre de la Ville, la Colline,  la programmation New Setting de la Fondation d’Entreprise Hermès et 60 supporters du RC Lens.

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Entrer dans le cœur des gens, cela pourrait être la mission de vie que le metteur en scène s’est donné. Mohamed El Khatib est à la fois un documentariste, muni de son  éternel carnet noir où il note tout, absolument tous les mots de ses témoins, et aussi un performeur qui sait faire théâtre de petits riens. Pour questionner la misère sociale, physiquement perceptible de Lens, il a choisi de dresser un portrait très intime du club de supporters du RC Lens, club de foot assez minable aujourd’hui, relégué en 2e division, alors qu’il fut Champion de France en 1998. En haut ou en bas de l’affiche, les fans eux sont là, sans sourciller. A fond.

Dans cette région, tous sont enfants et petits-enfants de mineurs, et tous sont allés au stade sur les épaules de leur père dès la maternelle.  En leur demandant de raconter, non pas les matches, mais leurs vécus dans le stade, Mohamed El Khatib leur permet de libérer leur parole. Mort des parents, misère sociale, Front National. La noirceur des corons est là à peine étouffée par les trompettes et cachée par les pompons forcements rouge et jaune, pardon, sang et or.

On se tient ici sur le fil entre le vulgaire et le radical, le pathétique et le superbe, tout le temps. Il nous scotche et nous saisit avec des images improbables. Il y a celle-ci : La baraque à frites dont le “Momo” en néon rouge donne un halo désespéré au plateau. Sur le côté, un club de mascottes tristement ridicules, l’un en lapin, l’autre en poule…et cet homme qui balance un immense drapeau fait par sa mère, morte depuis, à la main.

On éclate de rire souvent pourtant face à des punchlines glauques. Il y a cet arbitre, qui au lendemain de la mort se sa mère, s’est fait traité,non pas de fils de pute, comme d’habitude, mais d’orphelin de pute.  L’anecdote résume à elle seule l’exutoire que sont les tribunes avec une répartition des rôles qui donne un  sens à chacun, dans cette ville où le chômage atteint le record de 15%.

Mohamed El Khatib  qui propose trois spectacle au Festival d’Automne a, en trois ans, imposé un genre, celui de l’enquête théâtrale. Il sait alterner les témoignages filmés avec ceux au plateau, le vide d’une scène et les décors présents. Il est un artisan de l’équilibre et de l’émotion, du rire et des larmes. Il nous fait entendre avec intelligence la douleur des chants du stade.

“Nous on est là, nous on est là,

même si vous ne le méritez pas nous on est là !

Pour l’amour du maillot,

que vous portez sur le dos,

même si vous ne le méritez pas nous on est là !”

Stadium n’est donc pas un nouveau spectacle sur le foot, il y a eu, et des bons, il se range plutôt dans les thématiques de Pommerat, dans un genre très différent. Au noir et blanc du metteur en scène de Au Monde, lui impose les couleurs. Rouge et Jaune forcement. Sang et Or.

 

Visuel :©Fed Hocke

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