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100 Contemporary Artists, de Taschen : un panorama de la création contemporaine

22 July 2011 | PAR Mikaël Faujour

En un coffret de 2 volumes et quelque 700 pages, 100 Contemporary Artists des éditions Taschen propose un panorama sélectif des artistes considérés comme majeurs sur la scène internationale des 20 dernières années. Les incontournables (Jeff Koons, Matthew Barney, Cindy Sherman, Takashi Murakami, Nan Goldin ou Thomas Hirschhorn…), voisinnant avec des artistes moins connus, dont certains très passionnants. Le pire y côtoie le meilleur, rendant compte de l’immense diversité des démarches, thématiques et matériaux/médiums.

On peut évidemment sourciller en ironisant sur l’intention de faire l’Histoire en temps réel, ce qui est le travers notamment des médias et de ses éditorialistes (lire à ce sujet nos articles ici et ici). Sans doute n’est-ce d’ailleurs pas l’intention de ce très copieux coffret, faisant la part belle aux illustrations : il s’agit ici plus clairement d’un état des lieux de la création actuelle.

Ce qui en ressort, c’est l’absolu éclatement des formes et styles, ainsi que la pluralité immense des matériaux et objets exposés, de l’installation à la peinture, de la sculpture au graffiti, en passant par la vidéo… Les inspirations elles-mêmes sont très diverses, tantôt très marquées par une connaissance de l’histoire de l’art (de Cranach au Pop art, de l’Expressionnisme viennois à Baselitz, en passant par les conceptuels new-yorkais) ou par une attention poussée au monde contemporain, à ses luttes (antiracisme, anticapitalisme, écologie, féminisme…) et ses symboles et images – de la publicité ou la pornographie à Disney et McDonald’s. Cet arasement, négation des notions de haute et basse culture – qui n’est d’ailleurs pas tout récent, puisque introduit par le dadaïsme voilà près d’un siècle -, conduit à ce que Takashi Murakami nomme judicieusement une “culture superplate”.

Derrière le kitsch clinquant et industrialisé de Jeff Koons ou Takashi Murakami, d’autres artistes démontrent une si prodigieuse inanité qu’on reste ébahi par la capacité d’entérinement et de justification. Les textes sont d’ailleurs parfois superbement risibles, par exemple quand l’un des auteurs parle d’ “inverser le rapport sculpture/socle” pour Franz West, ou quand un autre évoque une mystérieuse “épineuse question de la relation entre la sculpture et son piédestal” pour Erwin Wurm… Ou encore, ce délicieux passage :

“En 1997, Francis Alÿs poussait un gros bloc de glace à travers les rues de Mexico jusqu’à ce qu’il se réduise à une flaque d’eau. Cette action intitulé Paradox of Praxis illustrait l’inanité de tout projet sculptural et la double corvée conceptuelle de la production artistique, mais c’est son absurdité même qui en garantissait la pérennité par le truchement de l’anecdote et du bouche-à-oreille”. La rumeur comme forme d’art… RIRES EN BOITE.

Mais à côté de tout un tas de risibles artefacts de ce qu’il faut bien qualifier à la suite de Kostas Mavrakis de non-art, diverses oeuvres authentiques indiquent des voies autrement plus enthousiasmantes, à commencer par les peintres Peter Doig et surtout Daniel Richter (ci-contre).

En somme, se côtoient le meilleur et le pire dans ce bouillonnement confus de formes et de propos, qu’il est difficile de ne pas qualifier comme étant celui de notre époque incertaine, et qui se traduit aussi en politique. De cette incertitude et des préoccupations de l’époque, la pluralité des démarches exposées dans 100 Contemporary Artists rend tout à fait compte. Tantôt de réelles réussites, de vrais accomplissements artistiques, tantôt le sentiment qu’en élargissant les possibilités de l’art, en le dilatant, l’on aboutit à des “oeuvres” qui ne sont en fait que le pis-aller de personnes fainéantes renonçant à la mise en oeuvre de leurs idées sous une forme aboutie, qu’elle fût romanesque, picturale, photographique ou même journalistique. Choix de la facilité d’installations qui ne sont ni belles ni laides, ni davantage édifiantes comme elles ont la prétention de l’être : car elles ne s’adressent pas nécessairement au public “cultivé” qui fréquente galeries et musées d’art contemporain. Tandis que sous d’autres formes réellement abouties, elles pourraient avoir une compréhensibilité, elles n’ont qu’un air de confusion. Impression aussi que certaines démarches très pertinentes et édifiantes contribuent en fait à élargir le champ du documentaire.

Certains piétinent dans l’impasse que leurs prédécesseurs ont créée brique à brique ; d’autres tentent de surmonter le mur ou de le percer pour dévoiler les vastes champs cachés derrière. Le hallali serait-il pour bientost ?

100 Contemporary Artists, éd. Taschen, 2011

Grâce leur soit rendue de Lorette Nobécourt, deux générations entre Santiago, Barcelone et Rome
“Sortir de sa mère”, encore un petit bijou ecrit et mis en scène par Pierre Notte
Mikaël Faujour

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