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Before Landing: l’expo Houellebecq au Carré de Baudoin

Before Landing: l’expo Houellebecq au Carré de Baudoin

15 November 2014 | PAR Marie-Lucie Walch

Le célèbre écrivain profite de la thématique Anonymes et amateurs célèbres, retenue entre autres pour ce mois de Novembre 2014 dédié à la photographie, pour présenter sa propre exposition à la Mairie du 20º arrondissement. Il a confié la scénographie au photographe Marc Lathuillière avec qui il travaille sur les questions de la désindustrialisation et la muséification de la France. 40 minutes montre en main: une première expo courte et personnalisée.

Après la littérature (on se souvient notamment de son roman Les Particules Elémentairesadapté à la scène dans le cadre du Festival d’Automne), la poésie, le cinéma (on a encore en tête les images du film Near Death Experience sorti en début d’année) et la musique, Michel Houellebecq s’essaie désormais à la photographie avec Before Landing. Du moins présente-t-il publiquement ce talent qu’il pratique depuis de nombreuses années. On apprend qu’il l’a étudié jeune à l’Ecole Louis Lumière, en fait. L’exposition recense en  5 salles les clichés pris par le romancier-photographe au cours de ses enquêtes documentaires nécessaires à l’écriture de certaines de ses œuvres. S’y trouvent également des images prises pour elles-mêmes. Les titres sont sommaires et accompagnés de chiffres dans le désordre, rappelant le style minimaliste de l’auteur: “France #06”, “Mission #01” Quelques- uns évoquent aussi la pratique poétique de Houellebecq avec des bouts de phrases inachevées “Je savais…” ou “Je n’avais…”

L’image comme “potentiel fictionnel”

France # 03

On retrouve affichée aux murs une caractéristique de l’auteur: l’association d’idées paradoxales dans un lieu restreint, que ce soit la phrase ou la photographie. Dans ses romans, il s’agit d’une syntaxe déconcertante avec “l’énoncé de propositions anodines, dont la juxtaposition produit un effet absurde” – comme il le dit lui-même. Le photographe a utilisé des montages pour insérer dans une photo du texte ou une autre image  qui n’ a (apparemment) rien à voir. Aussi est-on interpellé par des assemblages comme celui d’un gros plan sur des feuilles de menthe d’un vert vif qui sert de cadre à une image peinte d’un bleu non moins vif, et mettant en scène un tas d’éléments aux allures surréalistes. Ou encore cette photographie forestière sapée par la reproduction d’une base militaire d’un blanc éclatant. La superposition de deux photos aux couleurs contrastées interroge sur l’intention derrière un tel procédé.

Images de France

“Par exemple, ce paysage…” poursuivit Jed. “Bon, je sais bien qu’il y a de très belles aquarelles impressionnistes au XIXe siècle; pourtant si j’avais à représenter ce paysage aujourd’hui, je prendrais simplement une photo.”

Ces propos, Michel Houellebecq les a placés dans la bouche de son personnage principal dans La Carte et le Territoire, l’artiste Jed Martin, mais il pourrait tout aussi bien se les attribuer. En effet, une réflexion est menée autour de la question de la perte des pratiques culturelles françaises à l’heure où l’économie serait fondée sur le tourisme. Des images vieille France ainsi que plusieurs vaches en carton-pâte jalonnent le parcours. Une de ces bovines est même orientée dans la direction d’une vidéo qui tourne en boucle, indiquant au visiteur où regarder – ou le rangeant parmi les siens. L’ironie est toujours sous-jacente à la nostalgie dans l’oeuvre visuelle et textuelle de l’écrivain. Ironique aussi la présence des chaises dans les différentes pièces? le moins que l’on puisse dire c’est que l’ensemble se voit vite et qu’il n’y a pas de piétinement fatiguant. A peine le temps d’atterrir- cela tombe bien, c’est le titre de l’expo, ouf! On s’attarde toutefois légèrement devant le documentaire (bref, lui aussi) réalisé par le journaliste et plasticien Denis Robert, qui porte sur la transformation d’une usine lorraine en Musée, et au cours duquel Arnaud Montebourg qualifie Houellebecq de “Penseur de la France”. En fait de pensée, la question est peut-être traitée trop rapidement et mériterait d’être autant développée que l’est le tapage médiatique autour de l’artiste-star.

Deux dames âgées résument assez bien l’expérience en s’exclamant: “Très ironique, mais…on l’a vite vue!”

Before Landing, photographies de Michel Houellebecq jusqu’au 31 janvier 2015 au Pavillon Carré de Baudouin.


Visuel: © France #03, M. Houellebecq

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Marie-Lucie Walch

One thought on “Before Landing: l’expo Houellebecq au Carré de Baudoin”

Commentaire(s)

  • gauthier marie-pierre

    Bonjour,
    J’apporte une précision à votre intéressant article :
    La “photographie forestière” que vous citez n’est pas “sapée” par une base militaire mais par la Cité des Télécoms de Plemeur-Bodou dans les Côtes d’Armor (Bretagne).
    Bien cdlt,
    MP Gauthier

    November 17, 2014 at 14 h 42 min

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