
Venezuela, une précieuse allégorie de l’adolescence
Patrice Douchet offre à Venezuela, texte de Guy Helminger traduit de l’allemand par Anne Monfort, une lecture mêlant naturalisme et parabole. La pièce est un voyage au sein de l’adolescence.
Pour le festival ADO Semaine Extra, Isabelle Ronayette et Régis Laroche ont sélectionné Venezuela la pièce de Patrice Douchet. Les deux programmateurs qui ont commis l’excellent Les Imposteurs présenté au même festival ont été perspicaces. Pour cette cinquième édition inscrite sous le signe du renversement de la norme, Venezuela raconte la loi par sa marge, l’universel par le déviant. Et l’envie de vivre de la jeunesse par des trompe-la-mort.
La nuit, dans les stations du centre-ville de Berlin, un gang d’adolescents surfe sur les trains. Plantés sur les toits des wagons lancés à vive allure, ils pratiquent l’exercice d’équilibriste qui consiste à rester debout évitant tunnels, câbles électriques et autres obstacles. La pièce débute par un film de plusieurs séquences de ces exploits. Nous sentons le danger et le péril. Le gang se retrouve ensuite au milieu de vieux pneus; un des ados a chuté, ceux qui l’ont vu tomber ont abandonné son corps déchiqueté entre ballast et traverses. Ils décident de cacher cette mort violente au plus jeune d’entre eux. Ils inventeront pour cela le mensonge d’un départ précipité au Vénézuela.
La pièce est l’histoire de ce mensonge. Elle est admirable car le substantif Venezuela cristallisera peu à peu l’imaginaire propre à l’adolescence et opérera comme une fonction réparatrice du discours de ces jeunes désœuvrés, violents et racistes. Le signifiant fera lien entre eux. A la fin de ce cycle, ils marcheront vers l’âge adulte.
La géniale scénographie naturalisme mais soigneusement déréalisée soutient le trait. Les comédiens restituent avec talent les pensées suicidaires en même temps que les exaltations désordonnées. Cantor Bourdeaux, Thomas Cabel, Arthur Fouache, Coline Pilet et Clémence Prévault interprètent avec brio la gouaille narcissique autant que la touchante compassion au sein de cette bande de camarades qui traversent devant nous ce temps de l’adolescence où l’on excelle à maitriser son corps neuf et rebelle et où l’on pourchasse la loi autant pour l’offenser que pour la célébrer. Aussi la pièce raconte un éveil du printemps actuel et se double d’une jolie expérience d’humanité.
Du très bon théâtre.
Venezuela
texte Guy Helminger mise en scène Patrice Douchet
Avec
Cantor Bourdeaux, Thomas Cabel, Arthur Fouache, Coline Pilet et Clémence Prévault,
comédien dans le film Filipe Araújo.
Crédits Photos © Compagnie de la Tête Noire