
Une visite inopportune à l’Athénée, la mort est rieuse avec Copi
Quel plaisir de revoir du Copi, pas si souvent joué à Paris depuis La Tour de la défense par Marcial di Fonzo Bo, énorme ! Philippe Calvario monte au Théâtre de l’Athénée « Une Visite inopportune » avec des comédiens venus d’horizons divers : Marianne James y donne la réplique à Michel Fau qui trouve là un rôle que l’on dirait écrit pour lui. C’est la dernière pièce de l’auteur argentin, écrite en 1987. Alors qu’il est atteint du sida et qu’il va en mourir, Copi ose une fois de plus dépasser tous les tabous et les inhibitions sur les années sida et l’homosexualité et fait ses adieux à la vie en écrivant cette pièce comme un exutoire anticonformiste et totalement fêlé à la maladie et à la mort.
En blouse verte de clinique Michel Fau joue Cyrille, un grand acteur qui n’a pour dernière scène qu’un sinistre lit d’hôpital où il fête avec une apparente désinvolture l’anniversaire de son sida. Michel Fau fait sa diva, avec humour et légèreté, l’air distant et faussement las, il est drôle, grotesque et grave. Bientôt, la chambre sera investie par un défilé de visiteurs inattendus qui y tiennent salon, son ami de toujours Hubert, à qui il s’est toujours refusé et qui veut lui ériger un mausolée au Père-Lachaise, un journaliste, beau jeune homme timide et gauche, un médecin déjanté, une infirmière sexy et une cantatrice italienne. Tous veulent lui mettre le grappin dessus avant qu’il ne rende son dernier soupir. Les rôles sont respectivement tenus par Eric Guého (dandy chic et efféminé), Lionel Lingelser, Louis Arène, Sissi Duparc (vraie pin-up aux formes généreuses) et Marianne James, très en forme, dont la composition épatante n’est pas sans rappeler son personnage d’Ulrika von Glotte de l’Ultima recital. Son entrée en scène est digne des mises en scène d’opéras les plus ringardes d’autrefois, elle renvoie à l’image super clichée de la cantatrice en grosse dondon; on pardonne son accent italien plutôt exotique et le mauvais goût avec lequel sont réorchestrés les airs lyriques (pour qui aime l’opéra, c’est un supplice) car la parodie fonctionne génialement!
La distribution est juste et équilibrée, conforme à l’esprit de la pièce. La fantaisie, l’exubérance et la sincérité des comédiens ainsi que le travail de Calvario rendent justice au comique décapant du texte, à la fois potache, brillant, insolite comme le sont l’intrigue inénarrable et les répliques aussi tranchantes que le couteau à rosbif, un des éléments clé de l’action entre la cuisse de poulet, le sorbet de chez Berthillon, le vrai faux narguilé de Cocteau et un cerveau artificiel greffé. Calvario s’amuse à retrouver l’atmosphère « gay » des années 80, il choisit de ne pas du tout assombrir la pièce, elle le permettrait aisément, c’est drame qui se joue, et traite le sujet pourtant macabre comme un boulevard moderne, mené avec sel et vivacité, refusant tout pathos ou quelconque morosité. Il préfère l’humour grinçant, le kitch et la dérision, il va à fond dans l’outrance mais pas non plus dans la caricature même si c’est appuyé. La mort est une ode au théâtre et à l’artifice qui lui est inhérent. Cyrille disparaît tel un acteur shakespearien sous une pluie de flocons blancs accompagné du Liebestod wagnérien revisité.
photo : Pascal Deboffle
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4 thoughts on “Une visite inopportune à l’Athénée, la mort est rieuse avec Copi”
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crance philouz
Copi Copi !
granadabeach
et pour une autr lecture de la pièce on peut toujours se tourner vers la mise en scène de Simonj Pons-Rotbardt sur 3615granada.com