
Une Chanson de Roland entre poétique des corps et texte puissant
Une adaptation de la chanson de geste, avec âne, qui fait entendre la beauté de ce texte issu du Moyen-Âge.
Il y a d’abord ce texte, traversé par un souffle équipe et surnaturel, donné à entendre : datant du XIe siècle, La Chanson de Roland narre les exploits d’un chevalier du VIIIe siècle devenu emblématique, condamné d’avance à un destin tragique, mais finalement vaillant envers et contre tout. Avec, au premier rang de ses combats, la célèbre Bataille de Roncevaux… Dans ce spectacle, le travail d’adaptation opéré par Jean Lambert-wild, Marc Goldberg et Catherine Lefeuvre met bien en lumière la valeur littéraire d’un tel chant, en même temps que le souffle qui l’habite. On reçoit les multiples images qui le tissent, en même temps que la force qui guide son personnage central.
En fait, Jean Lambert-wild clown blanc s’empare de ces mots avec les respirations et la fluidité qu’il faut : on le sent en pleine maîtrise des images qui hantent cette épopée, et guidé par une envie d’aller au bout. Vincent Desprez lui renvoie la balle d’une manière vraiment experte, tant dans ses quelques répliques qu’il rythme et muscle que dans son jeu physique. On s’accroche aux actes décrits. On conseillera au passage aux spectateurs du Théâtre de la Tempête de préférer les tout premiers rangs, pour y profiter d’une harmonie parfaite entre texte dit et musique.
Sur scène, il y a donc Gramblanc, le clown blanc avatar fétiche de Jean Lambert-wild, qui l’incarne ici encore une fois, et met les mots de La Chanson de Roland à l’épreuve de son corps et de sa diction à lui. Mais cette fois, il a aussi pour compagnon de jeu une ânesse, Chipie de Brocéliande. Elle joue, avec à ses côtés celle qui mena, des mois durant en amont du spectacle, un travail de rapprochement avec elle, qui apprit à la connaître et à se faire connaître d’elle : Aimée Lambert-wild.
Ce qui résulte de ce processus de rencontre apparaît beau à voir : notre ânesse s’illustre lors de plusieurs séquences où elle joue de son corps, suggérant la force qui doit habiter le chevalier, puis la mort qui vient, qu’elle évoque en s’allongeant, et en balançant ses jambes dans l’air en des gestes et des actes que l’on voit peu souvent. C’est tout en sobriété et en justesse qu’elle éclaire, ponctuellement, le spectacle des énergies qui l’habitent, et qui viennent se mêler à la poésie de la chanson de geste clamée.
Le spectacle est encore à voir jusqu’au 19 juin au Théâtre de la Tempête.
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Visuel : © Tristan Jeanne-Vales