« Une année sans été », dans l’ombre et la torpeur
Dans cette nouvelle œuvre, Joël Pommerat suit cinq jeunes gens dans leur découverte de la vie, quelques mois avant la Première Guerre mondiale. Ce faisant, il « accompagne » également cinq jeunes comédiens en dirigeant leur projet de mise en scène. Des interprètes talentueux, un texte pas vieilli, et un savoir-faire toujours d’attaque… Pourtant, l’émotion n’affleure que rarement. La faute, sans doute, à un mélange d’ingrédients qui se ressemblent trop.
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Non, Une année sans été n’est pas un texte de théâtre signé Joël Pommerat. Une première. Non, Catherine Anne, son auteur, également metteur en scène depuis longtemps, ne l’a pas écrit spécialement pour lui. La pièce date de 1987. Pour la dramaturge, c’était une œuvre de jeunesse, qui fut par ailleurs très remarquée. Par contre, une évidence s’impose : Pommerat s’y intéresse muni du style qui a fait son succès.
Et c’est peut-être là qu’est le problème. Car Une année sans été, texte où se mêlent, de façon subtile et sensible, sentiments réels et imagination, possède par ailleurs un rythme de surface assez uniforme. Un peu triste. Les chocs y ont lieu dans les petits coins sombres et les plis des vêtements gris. Dans des micro-espaces intérieurs ardus à rendre sur une scène. Devant nous, Joël Pommerat procède avec ses ingrédients favoris : fond noir, espace dépouillé à l’extrême – dans lequel le moindre meuble prend une importance belle et capitale – fond sonore suggestif, brillants jeux de lumière. Mais rapidement, un trop-plein de noirceur se fait sentir. Dès lors, le climat vire à la torpeur, et l’air peine à rentrer.
On le sent bien, l’égarement de cette jeunesse du début du siècle dernier, perdue en province comme dans la capitale, entre illusions artistiques et envie de voyage. Une jeunesse qui n’aura pas le temps de s’accomplir : elle sera sacrifiée sur l’autel de la Première Guerre mondiale. Ils nous émeuvent parfois, ces comédiens. Rodolphe Martin en particulier, qui incarne le jeune maître spirituel, en réalité oisif et écorché, de l’encore plus jeune Gérard (Franck Laisné), aspirant poète. Laure Lefort également, dans le rôle de Louisette, la jeune fille négligée par ce dernier, fasciné par une allemande inaccessible. Mais les tourments de ces figures nous semblent trop souvent lointains. Comme figés dans une illusion exposée, et non démontée, sous nos yeux. Une illusion qui reste, pour cette fois, obscure.
Une année sans été de Catherine Anne, un projet de Carole Labouze, Franck Laisné, Laure Lefort, Rodolphe Martin et Garance Rivoal, mis en scène par Joël Pommerat.
Visuel: © Elisabeth Carecchio