Songes et Métamorphoses, les leçons de théâtre de Guillaume Vincent
Guillaume Vincent est le roi du Glam. Lui qui a déjà mis en scène Opening Night dans Second Woman et le cinéma Lynchien avec La nuit tombe s’amuse à jouer des codes de l’entre-soi avec une belle dose d’ironie et de paillettes pour Songes et Métamorphoses, à l’Odéon ( Salle Berthier).
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Ovide et Shakespeare. Comme si les deux auteurs résumaient à eux deux les possibilités du théâtre. Les Métamorphoses est un texte fou où un homme mange ses enfants en soupe, où une autre couche avec son père et se transforme en arbre… Dans le Songe d’une nuit d’été, les amants sont encerclés et la reine des fées se tape un âne. Le point commun est bien sûr le fantastique, thème cher à Guillaume Vincent. La multiplicité des thèmes et des histoires lui permet de construire un spectacle comme un puzzle que l’on pourrait très bien regarder comme une série télévisée.
Ici, il y a des épisodes. Un prologue, magnifique, sous la forme d’une entrée à la bougie où la troupe d’une vingtaine de comédiens se déploie au rythme du piano, posé dans une alcôve digne d’un bar à cocktail. Puis des scènes pensées comme au commencement, comme au temps du théâtre de plateau. Guillaume Vincent part du début, c’est-à-dire à la fois de la Tragédie Grecque et de la naissance pour le gout de la scène à l’enfance, à l’école même. Sur le ou plutôt sur les plateaux tant il les multiplie, il y a des enfants, des comédiens de carrière et d’autres qui sortent d’école. La distribution même vient dire les rêves des apprentis acteurs et les changements que leurs rôles opéreront sur eux.
Songes et Métamorphoses sont deux pièces qui se jouent l’une après l’autre et qui se font échos. Dans le Songe d’une nuit d’été, lors du spectacle dans le spectacle fait par les “artisans”, les références au texte d’Ovide sont là. Mais l’idée de Vincent est de dire qu’ Ovide est partout dans le Spectacle, car comment faire du théâtre sans illusion ? Il s’amuse dans une scène à faire hurler Emilie Incerti Formentini qu’elle refuse le théâtre documentaire, elle qui jouait dans Gare de l’Est une maniaco-dépressive. Il s’amuse aussi à utiliser des vieux trucs, comme une scène que l’on déplace à la main.
Ce qui est formidable ici est le mélange des genres. Pluie de feuilles d’or sur la danse de Puck ( magnifique Gérard Watkins) ou humour d’un cours d’impro dans une salle de répétition, il alterne l’ultra-glam (Titania et Obéron), le très construit (Procné), le populaire (Myrrha), le lyrique (Héléna à Dimitrius) et le potache (Pyrame et Thisbé) sans transition, dans un volontaire patchwork délicieux.
Il interroge l’éternel question de la prise de rôle et de la façon dont le spectacle joue de la fiction et de la réalité. La direction d’acteurs est ici impeccable, il mêle jeunes amateurs du collège Jules Ferry, des adolescents et ses comédiens. Le plaisir de jouer est totalement palpable et jubilatoire dans une réécriture bien pensée de l’esprit de troupe.
Il y a de l’épaisseur, du trop-plein diront certains. Il y a surtout un grand amour du théâtre, un spectacle libre, généreux qui témoigne des capacités qu’à Guillaume Vincent à se détacher des genres. Avouons tout de même que l’on aime surtout chez lui sa relation infinie au glamour; au paillettes et aux robes de bal.
Avec :
Elsa Agnès, Paul-Marie Barbier, Candice Bouchet, Lucie Ben Bâta, Emilie Incerti Formentini, Elsa Guedj, Florence Janas, Hector Manuel, Estelle Meyer, Alexandre Michel, Philippe Orivel, Makita Samba, Kyoko Takenaka, Charles Van de Vyver, Gérard Watkins, Charles-Henri Wolff
et la participation de David Jourdain, Pierre-François Pommier, Muriel Valat
et en alternance les enfants : Baptiste François, Bastien Faba Vonki-Teulé, Capucine Gilson, Mathilde Vaux / Darius Van Gils, Gaspard Martin Laprade, Mia Luppens–Sfez, Kadiatou Barry / Anton Froehly, Georges Barse, Pola Chéron-Bonnet, Hora Fourlon-Kouayep
Songes et Métamorphoses – Guillaume Vincent / d… par TheatreOdeon
Visuel © Élizabeth Carecchio