
LOVE, LOVE, LOVE De : Mike Bartlett Mise en scène : Nora Granovsky au Théâtre de Belleville
Au Belleville est repris, pour notre plaisir de théâtre la pièce anglaise LOVE LOVE LOVE de Mike Bartlett. On y retrouve dans une mise en scène élégante de Nora Granovsky la chronique grinçante d’une famille anglaise de 1967 à 2011.
La chanson Love Love love des Beatles fut la bande son de la prometteuse génération des années 60. Mike Bartlett dresse, amer, cinquante ans plus tard l’état des lieux. Magnifiquement mise en scène par Nora Granovsky, le constat est terriblement drôle mais sinistre. Que reste-t-il de la génération baba-cool et de leurs utopies, et notamment, du rêve d’une société plus juste, plus libre et plus fraternelle ? Mike Bartlett, lucide dresse le portrait au vitriol d’une famille britannique en trois dates et en trois tableaux.
1967: Le héros jeune dilettante vole la fiancée de son frère en partageant avec elle quelques joints. Ils ont les mêmes valeurs libertaires et la même envie, du moins déclarée, de changer le monde. Ils tombent amoureux et se marient.
1990: le couple embourgeoisé est flanqué de deux enfants; monsieur trompe madame et madame trompe monsieur; débordés par leur travail et l’éducation de leurs enfants, ils se déchirent sur fond d’alcoolisme mondain et d’égoïsme, avant de se séparer. La pensée libertaire a accouché d’un nihilisme égocentrique.
2011: la situation économique est devenue incertaine et agressive, cependant que les deux ex-soixante-huitards coulent une retraite dorée. Leurs enfants sont livrés à eux-mêmes. Le fils est devenu neurasthénique et lunaire, la fille dépressive et désenchantée. Et les parents ont renoncé à donner un sens à leur vie. En point d’orgue, la fille organise une réunion de famille où elle va réclamer son dû, et qui sera le temps du plus cruel dévoilement.
Le propos est délicieux de cruauté. Barlett ne croit ni à la rédemption de la génération des parents ni a son salut par la génération suivante. La scénographie esthétisante et minimaliste de Nora Granovsky est percutante. Elle fait la part belle à l’interprétation. Belle idée, car les quatre comédiens sont épatants. Jeanne Lepers, la mère, est absolument éblouissante dans une partition caractérielle et egocentrée. Elle colore toute la pièce et sa force comique. Émile Falk-Blin alterne les rôles avec brio; Bertrand Poncet, formé au TNS est un grand acteur tandis que Juliette Savary remplit admirablement son emploi. Les deux heures seront vite passées en leur compagnie à rire et à redécouvrir à rebrousse-poil une terrible réalité.
LOVE, LOVE, LOVE
De : Mike Bartlett
Mise en scène : Nora Granovsky
Avec :
Emile Falk – Blin, Jeanne Lepers, Bertrand Poncet et Juliette Savary