Théâtre
LE MARCHAND DE VENISE (BUSINESS IN VENICE) DE WILLIAM SHAKESPEARE MISE EN SCENE JACQUES VINCEY AU THEATRE DE MALAKOFF

LE MARCHAND DE VENISE (BUSINESS IN VENICE) DE WILLIAM SHAKESPEARE MISE EN SCENE JACQUES VINCEY AU THEATRE DE MALAKOFF

20 October 2017 | PAR David Rofé-Sarfati

Jacques Vincey s’empare du texte de Shakespeare et s’adosse à une traduction de son compère Vanasay Khamphommala pour nous emmener pour une actualisée lecture du Marchand de Venise contributive de nos débats et en même temps fidèle du trait premier de la pièce.

Rappelons l’intrigue : le personnage titre le marchand Antonio, pour rendre service à son protégé Bassanio, emprunte de l’argent à l’usurier Shylock et certain de pouvoir le rembourser, lui signe un contrat où il autorise son créancier à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement. Il ne pourra faire face à son échéance et Shylock, pour se venger des humiliations insiste pour que le contrat soit appliqué à la lettre. Il n’aura pas gain de cause et dans un dernier mouvement discriminatoire il se retrouve banni de Venise. Shylock le Juif sera posé par la pièce sous le biais du  bouc émissaire, reflet des préjugés antisémites, et en même temps sera le porte-parole éloquent d’une communauté qui revendique l’égalité.

Chez Vincey tout commence dans une supérette, endroit de la consommation, du négoce, de la profusion et de la rareté, le lieu figure de la dimension économique de la société. Un bouffon vient face à nous et dans une conversation avec le public posera à force de blagues souvent vertement racistes et toujours dérangeantes, les deux grilles de lecture actualisée de la pièce, la question de la misère et celle de l’antisémitisme. Et Antonio, le marchand de Venise, débarque en costume de Superman.

À l’heure de la mondialisation, des flux migratoires et de la montée des extrémismes, il s’agit pour chacun de nous de reconsidérer la valeur que nous souhaitons donner à l’existence humaine  et  Vincey s’y emploie, puise par cette nouvelle interprétation et dans la force du texte afin de restituer une vision inédite cependant que  fidèle au geste de Shakespeare et ainsi ré-interroger l’antisémitisme, aujourd’hui muté et importé, et la violence de l’économie qui, transformée, continue de diriger la planète. 

La mise en scène est joyeuse, loufoque et décalée; le biais pourtant si sombre est à la farce, chaque tableau est esthétiquement réussi, en particulier la scène des trois coffrets, et les comédiens parviennent à se saisir de la gravité du propos sans jamais quitter ce léger contrepied qui fait ouverture. Pierre-Francois Doireau, le bouffon et Lancelot, illumine notre traversée; Thomas Gonzales est un hilarant Bassanio, Jean-René Lemoine incarne avec une force intérieure contributive Superman-Antonio face à Jacques Vincey, magnifique Shylock, aussi humain que détestable. Océane Mozas, effarante Portia, entre diva éphémère et solide intriguante; citons aussi les jeunes comédiens du CDN de Tours, Quentin Bardou, Jeanne Bonenfant, Alyssia Derly, Theophile Dubus et Anthony Jeanne qui confirme la qualité de la pièce.

Au fond, la pièce de Vincey, par le talent de la mise en scène et la grâce de l’adaptation de Khamphommala doit être vue comme un magnifique spectacle de théâtre, on ne s’ennuie jamais, où le bien et le mal se disputent et s’intriquent sans cesse. Elle doit être vue comme une blague juive, un geste théâtral édifié d’ironie et d’auto dérision et qui affronte joyeusement la question du vivre ensemble. Une pièce qui réinvente Shakepeare tout en honorant son texte et son esprit. Un grand bonheur de spectateur.

 

texte français et adaptation Vanasay Khamphommala d’après William Shakespeare

mise en scène Jacques Vincey assisté de Théophile Dubus

scénographie Mathieu Lorry-Dupuy

avec Quentin Bardou * Lorenzo, Jeanne Bonenfant * Nérissa, Alyssia Derly * Jessica, Pierre-François Doireau Lancelot, Théophile Dubus * Solanio, Thomas Gonzalez Bassanio, Anthony Jeanne * Graziano, Jean-René Lemoine Antonio, Océane Mozas Portia, Jacques Vincey Shylock (* comédiens du Jeune Théâtre en Région Centre-Val de Loire)

lumières Jérémie Papin

costumes Virginie Gervaise

perruques et maquillage Cécile Kretschmar

son et musique Alexandre Meyer et Frédéric Minière

Infos pratiques

Théâtre Victor Hugo
Musée Gaumont
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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