Le Grand Jour de Frédérique Voruz
Frédérique Voruz a repris sa plume pour écrire comme un deuxième opus de Lalalangue, sa première pièce sur la mère. Cette fois encore, elle sait écrire du théâtre et prouve qu’elle excelle lorsqu’elle met au plateau autant les faux semblants que les inconscients les plus intimes.
Un drame ou pas
Déjà en 2019, sous les auspices de Ariane Mnouchkine et mise en scène par Simon Abkarian, Frédérique Voruz impressionnait dans un seul en scène autobiographique Lalalangue. La pièce était une double invitation au théâtre et à la psychanalyse. Déjà se repéraient en elle un humour d’autodérision et une excellence à captiver le public.
Elle nous revient avec Le grand jour.
Le grand jour, c’est le jour de l’enterrement de la mère. Au retour de la mise en bière, dans la cuisine familiale, la fratrie à fleur de peau partage le banquet des non-dits et des bondieuseries.
La cuisine, autel des rites familiaux, devient un théâtre tragi-comique où apparaît le spectre de la mère et où se dégueulent les secrets les plus inavouables, le passé non réglé et la difficulté à s’aimer ; ça parle très vite parfois, même plus vite que ça n’élabore. C’est vif et la spontanéité qui veut cacher la douleur ne parvient pas à escamoter les rancunes.
Une écriture théâtrale très forte
Le premier talent de Frédérique Voruz réside sans doute dans son écriture théâtrale où le texte vit au plateau et où le plateau vit par et pour le texte. Sa mise en scène innovante offre un espace merveilleux aux personnages et aux acteurs qui les défendent. Brillante comédienne, elle emmène ses comédiens au plus près de ce texte plein d’humour, à la fois intrigue policière et psychodrame psychanalytique. C’est judicieux.
Les comédiens sont formidables car le texte est fort. Il creuse la tombe de la mère pour déterrer les conflits, les griefs, les querelles et les croyances mal refoulées. Cependant, l’intrigue improbable ne sert qu’à grossir le trait d’une réalité. Légèrement filtrés par le texte, les inconscients à ciel ouvert des personnages apportent une proximité réussie avec cette famille. L’histoire étrangement familière captive dans sa mise à distance comique de nos propres peurs. L’humour capitonne le tout avec bonheur. Enfin, le rythme finit de saisir le public, qui applaudit chaudement.
Le Grand Jour de Frédérique Voruz, Compagnie Aléthéia, Conseil artistique Franck Pendino et Joséphine Supe
Avec Anaïs Ancel (Julie), Stéphane Bernard (Père André et La Mère), Emmanuel Besnault (Simon), Victor Fradet (Benoît), Aurore Frémont (Gabrielle), Rafaela Jirkovsky (Mona), Eliot Maurel (Pierre), Frédérique Voruz (Clémence), Création lumière, construction décors Geoffroy Adragna, Création son Thérèse Spirli et Ronan Mansard, Accessoiriste Xevi Ribas, Elena Antsiferova.
La pièce s’est donnée au Théâtre 13 les 7 et 8 juin. Actuellement en tournée.
Visuel : Affiche