
Le Beau Monde, essai sur la vie sacrée des choses, très bien mené
C’est l’idée de disparition qui semble sous-tendre ce spectacle. Ses trois interprètes pleins de souffle pensent et incarnent les micro-choses du présent avec une vitalité douce-amère. À voir jusqu’au 12 décembre dans le cadre d’Impatience.
Les trois protagonistes du Beau Monde annoncent d’emblée qu’ils sont des êtres venus de loin dans le temps. L’heure est à leur rituel : tous les soixante ans, ils font leur retour, pour parler du XXIe siècle. Et puis aussi en revivre quelques fragments, et les partager avec ceux qui les écoutent.
C’est un spectacle qui décale très doucement l’instant présent vers un léger ailleurs en ne forçant rien. La vitalité de ses interprètes suffit. Les voici donc qui évoquent une foule de choses, aimées ou beaucoup faites, au sein d’une existence. Ils et elle s’attachent à toucher l’essence de ces choses, un peu de leur profondeur. Ils usent du langage de la voix, du corps, de la musique.
Ton aérien
S’ils annoncent qu’ils convoquent sur scène l’idée d’attirance entre les êtres, ils se mettent à la figurer, mais dans le détail de ses gestes et attitudes. Pour amener le concept de nostalgie à être évoqué, ils chantent des mots piquants, modulant leurs voix de manière à transporter ailleurs. Lorsqu’il est temps de parler de desserts et de sucreries, Blanche Ripoche énumère ces dernières, certes, mais ajoute le jeu physique à sa recette : sa séquence dansée apparaît lumineuse.
À mesure que le spectacle se déroule, il voit passer des thèmes souvent au centre de débats, entre autres choses. Des éléments qui seront toujours constitutifs du monde et de l’existence. Ici, ce n’est pas le cri fort ou l’expression d’un point de vue à tout prix qui intéresse nos interprètes. C’est l’incarnation. S’activant, ils composent donc une forme très vivante. Après tout, le sérieux est-il le seul caractère de toutes les choses qu’ils évoquent ? Ils trouvent en elles, aussi, de la malice ou de l’humour. La manière dont ils les abordent décale légèrement le présent au sein duquel on se trouve. Et une atmosphère aérienne s’installe.
Ouverture
Une autre belle caractéristique du spectacle est son caractère tout-terrain, transportable, jouable partout. La scénographie de Simon Gauchet – également ici Regard extérieur – inclut notamment, outre un synthé, un micro et une machine de modulation, des cailloux blancs et pierres de même couleur. Des objets qu’on imagine préparés par Elize Ducange, ici créditée comme céramiste. Ces artefacts apparaissent comme des supports suffisants pour tout ce qui est évoqué. Par-dessus tout, ils donnent envie de voir le spectacle joué en montagne par exemple, ou du moins en plein air. De le confronter à d’autres sols, d’absolument tous types, et à l’histoire portée par ceux-ci. On sait notamment à ce titre qu’il a précédemment été joué en centres socio-culturels.
On marche au final aux côtés de ses interprètes emplis d’une vitalité particulière, qu’il s’agisse de Blanche Ripoche, mais aussi de Rémi Fortin, aussi expert en visage expressif qu’en jeu ultra naturel, ou d’Arthur Amard, qui traque les émotions avec ses yeux laconiques et mène l’atmosphère musicale. Ils paraissent d’ailleurs, et particulièrement proches en même temps, dans leurs costumes aux grandes poches choisis avec Léa Gadbois-Lamer. Un autre élément aux effets tout de simplicité, transportant dans une dimension peu loin en fait. Un décalage à méditer dans l’allégresse, avant que.
Le Beau Monde est joué dans le cadre d’Impatience, Festival du théâtre émergent. Il est à voir encore le Lundi 12 décembre à 20h30, au Centquatre à Paris.
Le Beau Monde, une création collective d’Arthur Amard, Rémi Fortin et Blanche Ripoche. Sur une idée originale de Rémi Fortin. Avec aussi, opérant sur le spectacle : Thaïs Salmon (Assistanat à la mise en scène), Michel Bertrand (Accompagnement technique et Régie générale), Guénolé Jézéquel (Construction du gradin) et Grégoire Le Divelec – Bureau Hectores (Administration et Production).
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Visuel : © Mohamed Charara