“La campagne” de Martin Crimp à la Scala avec la lumineuse Isabelle Carré
Isabelle Carré est une bête de théâtre. Elle est époustouflante dans cette pièce de Martin Crimp où elle compose une épouse trompée dans la chaleur de la petite bourgeoisie londonienne. La pièce est à voir et à ne pas rater jusqu’au 18 juin à Paris.
Une intrique policière privatisée
Un couple fuit les bruits de Londres pour s’installer avec ses enfants à la campagne. Richard est médecin. Corinne est une très conforme femme au foyer. Ils rêvent d’une vie bucolique et tranquille, sauf qu’un soir, Richard ramène une jeune femme qu’il dit avoir trouvée inconsciente sur le bord de la route. L’énigme de cette femme qui désormais dort au salon plonge la maison dans une atmosphère qui s’assombrit. Loin du pastoral, le couple s’enfonce dans un thriller domestique. L’anglais Crimp, brillant texte, fouille les âmes dans une ironie grinçante, sans esquiver la critique sociale et politique.
Une scénographie pompeuse
La pièce fut créée au Rond Point. Elle en garde un décor bobo-esthétisant. Une longue table de campagne façon Habitat et des suspensions qui descendent et remontent des cintres durant la représentation. Tout ceci est inutile. Toutefois, de ce minimalisme, nous en tirons parti, car il est l’occasion pour les comédiens d’affronter le vide. Ils le font avec brio et avec leur corps. Pour notre plaisir de spectateur.
Isabelle Carré est épatante. La comédienne sait depuis longtemps donner corps à ses rôles, elle sait être un corps. Citons par exemple sa performance dans De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites en 2015 où elle savait de son corps de mère jusqu’à annuler la présence du corps de ses deux filles. Une fois encore, nous restons confondus de cette aura physique. Emmanuel Noblet (le mari) très bel homme, profite et fait profiter son personnage de son magnétisme naturel tandis que Manon Clavel constitue une belle interprétation. Celle qui fut criante de réalisme dans le rôle de la maîtresse Catherine dans Danse Delhi d’Ivan Viripaev, honore une fois encore son emploi. Elle tient et soutient l’intrigue dans une confrontation intense avec Isabelle Carré.
Du bon théâtre au service d’un grand texte contemporain.
La campagne
De Martin Crimp
Traduction Philippe Djian
Mise en scène Sylvain Maurice
Avec Isabelle Carré, Yannick Choirat en alternance avec Emmanuel Noblet, Manon Clavel
Crédit Photo Raynaud de Lage