Théâtre
Jean Francois Sivadier inonde merveilleusement l’Odéon avec Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen.

Jean Francois Sivadier inonde merveilleusement l’Odéon avec Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen.

12 May 2019 | PAR David Rofé-Sarfati

Jean Francois Sivadier se saisit de l’une des plus célèbres pièces de Ibsen Un ennemi du peuple et ose l’hyperbole sans jamais déborder. Le spectacle est total, sombre et drôle; il nous restitue dans l’actuel la force de la pensée de l’écrivain norvégien.

Freud admirateur de Ibsen proposait ce résumé de la pièce : pour avoir dénoncé la pollution des eaux de la station thermale dont il est le médecin, Tomas Stockman voit se dresser contre lui la majorité compacte qui jusque-là le soutenait. Au cours d’une réunion publique il est accusé de vouloir ruiner les finances municipales et est déclaré ennemi du peuple. Il estime avoir compris qui était le pire ennemi de la vérité et de la liberté c’est la majorité compacte. La deuxième découverte qu’il fait, il l’énonce en ces termes et c’est là dessus que se finit la pièce : L’homme le plus fort du monde est le plus seul.

On l’aura compris, la pièce est politique et philosophique. Et terriblement intelligente. Sivadier, voici la première puissance de son écriture dramatique, ne fuit aucun thème, aucune invitation à réfléchir. Il veut tout restituer, jusqu’aux impasses. Lorsqu’au premier acte Ibsen questionne le conflit entre le collectif et l’individuel, la créance du premier sur le second, Sivadier met en scène une brochette de personnages fumant le cigare. Tomas Stockman interprété par le solide  Nicolas Bouchaud fait coupure du discours conservateur, son collectif se veut dans cette collection d’individus singuliers au cigares et non dans une masse compacte. Lorsqu’au troisième acte Thomas Stockman crache à la salle son plaidoyer contre les pseudo militants insurrectionnels qui ne sont que des acteurs et qui ne font que des happenings le public mis en cause applaudit.

Le théâtre est là dans son plus beau costume. Sivadier projette le texte dans l’actuel et la pièce devient un acting politique où la salle qui figure le peuple est impliquée. Toujours en riant, nous affrontons la réalité. Elle provoque notre malaise  L’écologie  risque d’être victime de ceux qui se suffisent à avoir bonne conscience. Les insoumis ont des postures mais sont foncièrement soumis au système. Le peuple s’exprime alors que la majorité est une majorité imbéciles. L’élitisme est si facile à condamner. La vérité doit être tue  lorsqu’elle coûte au contribuable. 

Nicolas Bouchaud défend durant deux grosses heures et sans jamais quitter le plateau un Tomas Stockman humain, attachant,  écrasé par la vérité et glissant vers la folie. Le comédien est épatant. Le reste de la troupe accompagne son aventure humaine avec talent, en particulier Cyril Bothorel qui saisit la salle à chacune de ses apparitions. Le décor et la scénographie appuient le thème de l’eau dans une réussie esthétique aqueuse. Jean François Sivadier aura réussi à traverser l’oeuvre de Ibsen sans rien en laisser, en même temps à construire un univers et des personnages à la limite de la caricature sans jamais déborder. C’est du grand spectacle, merveilleux et édifiant.

 

 

 

Un ennemi du peuple.

d’Henrik Ibsen
mise en scène Jean-François Sivadier
avec
Sharif Andoura Hovstad
Cyril Bothorel Capitaine Horster ; Morten Kill
Nicolas Bouchaud Tomas Stockmann
Stephen Butel Aslaksen
Cyprien Billing Billing
Vincent Guédon Peter Stockmann
Jeanne Lepers Petra Stockmann
Agnès Sourdillon Katrine Stockmann
traduction Eloi Recoing
collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
scénographie Christian Tirole, Jean-François Sivadier
lumière Philippe Berthomé
costumes Virginie Gervaise
son Eve-Anne Joalland

Crédits Photos © Jean-Louis Fernandez

 

 

 

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One thought on “Jean Francois Sivadier inonde merveilleusement l’Odéon avec Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen.”

Commentaire(s)

  • MURARD Lion

    La bouffissure d’orgueil devient proprement insupportable chez nos metteurs en scène. Que leur est-il demandé? de servir avec honnêteté, humilité, le texte de l’auteur, qui n’a nul besoin de leurs interpolations. La mode est à ces improvisations, paraît-il, qui truffent le texte d’une marchandise de contrebande. Qu’ai-je à faire des vues de MM. Sivadier et Bouchaud sur les événements du jour? Si ces Messieurs entendent les faire connaître, qu’ils publient sous leur nom, plutôt que de glisser leurs vaticinations dans la bouche de ce pauvre Ibsen qui ne peut se défendre…

    June 10, 2019 at 6 h 30 min

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