Théâtre
En camion dans les rues de Paris, Ktha Compagnie joue avec les dimensions

En camion dans les rues de Paris, Ktha Compagnie joue avec les dimensions

08 November 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

Quarante-cinq minutes à l’arrière d’un camion qui roule. Tandis que, marchant au milieu de la rue, trois comédiens content un réveil difficile. C’est ce que propose Juste avant que tu ouvres les yeux. On s’y sent petit, puis grand, puis minuscule. Et on guette les réactions des passants. Une expérience intelligente et drôle.

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Juste avant que tu ouvres les yeux BipA l’arrière du camion, des gradins à ciel ouvert. On voit la rue, les spectateurs assis le plus bas sont au niveau des voitures, sans rempart. Dans le froid de la nuit, on s’enveloppe dans des couvertures, et on monte. Les trois comédiens, face à nous et habillés de tenues fluo, débutent leur texte avec un sourire tranquille.

C’est l’histoire d’un réveil. « Alarme » marqué sur le téléphone. Les neuf minutes fatidiques que l’on se donne. Un champ de possibles ouvert, en rêve. Et peut-être dans la réalité. Nos trois interprètes disent « tu ». Jouent-ils la ville ? Ou une présence fantôme indéterminée ? Ils vont en tout cas accompagner ce « tu ». Lorsqu’il entre dans un magasin et déplie les vêtements, sans rien voler. Lorsqu’il (elle ?) attrape le bras d’un joli garçon. Lorsqu’il fait un braquage…

Juste avant que tu ouvres les yeux 2Peu importe si cette histoire se déroule en actes ou en pensée. On peut le décider nous-même. Car rien n’est mimé : les comédiens marchent derrière le camion, face à nous. Passent devant les boutiques de vêtements, les banques… fermées. Leur ton est parfois trop uniforme, et le texte se répète un peu. Mais il est dit sans micros : c’est déjà ça.

Juste avant que tu ouvres les yeux est un spectacle qui oblige le regard à se balader. A lâcher ce texte pour suivre des yeux les passants, qui s’arrêtent, interloqués. Puis amusés. Déroutés. Tentés de marcher eux aussi derrière ce camion. Ou de sortir leur portable pour filmer. Le texte veut amener à regarder cette ville et son fonctionnement autrement. Assis dans le camion, on finit en réalité par se demander ce qu’on est, nous. Ils nous menacent, ces regards de badauds, on va avoir l’air ridicule. Et puis, après trente minutes, on se sent grand. On les attire, ces yeux. On pétrifie ces corps. Et soudain, les trois comédiens nous lâchent. C’est alors qu’on sent notre pouvoir nous échapper, dans le silence qui résonne, traversé des bruits de la rue. Bruits qui reprennent leurs droits, et recommencent à nous faire peur. Vous l’aurez compris : Juste avant que tu ouvres les yeux fait réfléchir. Mais on y rigole aussi. Les saillies sorties hier soir par les passants ? « Allez, à la guillotine, tous ! », « on peut jouer, nous aussi ? »… On l’avait vu en novembre. Chanceux que vous êtes : vous pouvez le découvrir en ce début de printemps, et ce jusqu’au 12 avril.

Juste avant que tu ouvres les yeux, un spectacle de Ktha Compagnie, se joue à Paris (13ème) jusqu’au dimanche 12 avril, les jeudis et vendredis à 20h, les samedis et dimanches à 15h et 17h.  Le lieu de départ : devant le 34, rue Charles Moureu, Paris 13ème. Réservations : 01 46 22 33 71 / [email protected] . 46 spectateurs par représentation.

Visuel : © ktha compagnie

Visuel Une : © 2013-2014 Coopérative de Rue et de Cirque

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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