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Playlist de la semaine (90)

Playlist de la semaine (90)

08 November 2014 | PAR Bastien Stisi

La ravissante pop martiale de Blind Digital Citizen, le nouvel EP des Montréalais d’Ought, la spoken rave sans espoir de Sunset…la playlist de la semaine, rendez-vous hebdo confectionné par Toute La Culture, rien que pour vos oreilles et pour vos tympans exigeants :

1. Blind Digital Citizen, « Ravi »

Introduit la semaine passée par un remix sauvage et calciné, le nouveau Blind Digital Citizen a dévoilé ce lundi le réceptacle de sa rage fougueuse et martiale. Ce sera donc « Ravi », nouvel extrait d’un premier album à venir, enrobé dans une poésie du béton, qui se distinguera de celle adoptée par les paroliers d’une nouvelle scène française qui zieute vers Cantat ou vers Bashung pour évoquer les amours alambiqués et les vagabondages de l’esprit (Feu ! Chatterton, Radio Elvis…) Car s’il s’agit de poésie, c’est de celle de l’apocalypse dont il s’agit ici, et de la révolte contre le convenu, le normé, et par filiation contre le laid. « Baise », « ravins », « précipice » et synthés qui glissent : Blind Digital Citizen est en train de fonder la pop que l’on écoutera lorsque le Monde d’aujourd’hui sera tombé, et qu’il restera encore assez de force pour pouvoir bouger les jambes, les hanches, et surtout les cervelles.

2. Ought, « New Calm Pt 2 »

Sur le nouvel EP des Montréalais d’Ought (que l’on a vu et interviewé dans le cadre du Pitchfork Music Festival la semaine dernière), intervenu un an après la parution de leur premier album Today, More Than Any Other Day, l’indie rock patiente, dandy, désinvolte et explosive se fait toujours aussi progressive, étirant ses compositions sur des formats inhabituellement longs. « New Calm Pt 2 » dure ainsi plus de sept minutes, soit juste le temps qu’il faut pour aboutir au déferlement des guitares et des gesticulations vocales de son chanteur Tim Beeler. Le premier album avait retenti comme une véritable explosion dans le petit monde exigeant du rock indie. On attendra le second, logiquement, avec une très grande attention.

3. Sunset, « Tara »

Chevaliers de l’apocalypse venus, à dos de rimes lacérées et de synthés tristement raveurs, annoncer la fin des plaisanteries, Raphaël Siboni et Franck Rivoire (aka Danger) démasquent les lumières du Soleil, y glissent le voile de leur projet Sunset, et fusionnent les existentialismes désespérés de Houellebecq, de Fuzati, de Mondkopf. Le duo livre un clip afin d’illustrer chaque morceau de son EP (S01E02-05). C’est ici celui de « Tara », de ses flingues, de ses canettes de bières, de ses néons bleutés. Au Silencio, où ils clôturaient aux côtés de Foxygen ce dimanche l’édition 2014 du Pitchfork Music Festival, il faisait sans doute encore plus sombre dans les textes du duo et de son spoken-word raveur que dans les alcôves cachées du club privé parisien. Et ceux qui ont déjà pu fréquenter le lieu savent que ce n’est pas peu dire.

4. Electric Youth, « Runaway »

Kavinsky, College…et maintenant Electric Youth : trois ans après la déferlante Drive, et sa bande-originale remplie de tubes synthpop, mélancoliques et rêveurs plus charmants les uns que les autres, c’est au tour du duo de Toronto de passer le stade de l’album studio. Sur Innerworld, Bronwyn et Austin trouvent le moyen de caler « A Real Hero », leur tube justement issu de Drive (il faut bien vendre un peu, ils ont raison), et proposent une escapade à l’esthétisme SF 80’ hyper prononcé, véritable bande-son jamais utilisée d’un film de Steven Spielberg période « les enfants et les extra-terrestres sont des mecs sympas ». Et plutôt que de s’en enfuir, comme on l’évoque sur « Runaway », on restera plutôt un moment au cœur de ce disque à la naïveté adolescente, qui trouvera sa place dans une discothèque de nerd aux cheveux longs (ou de n’importe qui d’autre) aux côtés de College (ben oui), de Glass Candy, de Desire ou de Chromatics.

5. Helluvah; Marc Huyghens, « This Is Hot »

Ceci est « hot », effectivement, mais ne passera pas aux heures de pointe sur MTV pour autant. Car si « This Is Hot », l’extrait du nouvel EP de la Française Helluvah, sent effectivement la chaleur de ses ambiances où le torride se confond avec l’humide, il y a ici un nombre de nuances beaucoup trop important pour que l’on se contente d’exporter Short Distance Runners sur une piste de danse pour clubbers un peu trop chauds du nombril. Car chez Helluvah, la chaleur est celle de la voix, sensuelle et distinguée, et celle de la richesse d’un EP (son troisième) avançant entre le jazz, le folk, le rock, la pop, l’électro synthétique. Il y a ici une collaboration avec Marc Huygens (le leader de JOY), et aussi plus loin, celle de Mélissa Laveaux. Tout est chaud, mais rien n’est réchauffé : cette pop-là enroulera l’hiver dans un duvet accrocheur et douillet.

6. Jessica93, « Asylum »

Aperçu lors des premiers instants de cette édition 2014 de Rock en Seine, Geoffroy Laporte et son pseudo de tchateur MSN de la dernière décennie (Jessica 93 donc) revient avec un second album (Rise, paru chez Teenage Menopause Rds) dans la continuité du premier, un disque de sept pistes qui vient conforter sa place de pourfendeur salutaire d’un genre : celui du rock gothique, débarrassé ici du vernis édulcoré qu’on lui a si souvent donné. Jessica le garçon dialogue toujours avec hiscomputerband (ses boucles de guitares froides et hypnotiques) à l’aide de ce chant spectral, presque absent, sur un second album au sommet duquel trône l’immense « Asylum » et ses riffs froidement héroïques salement accrocheurs. On le retrouvera à l’affiche de la 3e édition du Winter Camp Festival au Point Éphémère le 13 décembre prochain.

7. All We Are, « Can’t Do Without You (Caribou cover) »

Et parce que l’on ne s’est pas encore remis du show magistral proposé le week-end passé par Caribou à l’occasion de l’édition 2014 du Pitchfork Music Festival, l’occasion nous est donnée de nous replonger quelques instants dans l’ambiance en faisant tourner le très beau remix effectué par All We Are, trio regroupé à Liverpool mais émanant de trois coins du globe (l’Irlande pour le batteur, la Norvège pour la bassiste, le Brésil pour le guitariste) au sein duquel tous apportent leur grain vocal, rappelant les instants les moins grandiloquents de London Grammar, dont ils ont d’ailleurs, pas de hasard, effectués quelques premières parties au cours des derniers mois. All We Are, le premier album éponyme du groupe, sortira le 2 février prochain chez Domino Records.

Les morceaux de la playlist sont à retrouver sur la page Deezer de Toute La Culture.

Visuel : (c) pochette de Ravi de Blind Digital Citizen

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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