Avignon OFF : Dans les forêts de Sibérie, le choc de deux titans : William Mesguich et Sylvain Tesson
L’adaptation du roman prix Médicis 2011 Dans les forêts de Sibérie nous fait revivre sur scène l’expérience exceptionnelle de l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson. Le seul en scène imaginé par Estelle Andréa et William Mesguich est une magnifique respiration.
Pour partir loin de la cité et de la foule, Sylvain Tesson a choisi de s’isoler au milieu des forêts de Sibérie, là où la vie se résume à pêcher pour se nourrir, à couper du bois pour se chauffer. Il veut savoir si la liberté consiste à posséder le temps, si la richesse procède de l’espace et du silence. Sur son chemin initiatique, il écrit pour les générations futures un texte riche d’aphorismes pour nous aussi, déjà.
William Mesguich s’est saisi de cette aventure philosophique. Il y interprète Sylvain Tesson au sein d’une scénographie figurative et en même temps poétique. On pense à l’admirable Construire un feu de Jack London adapté au studio de la Comédie-Française. Le comédien nous a habitués à des rôles de tragédiens. Il fut entre autres un Hamlet et un Macbeth inoubliables. Ses interprétations sont toujours fortes et bouillantes. Il sait procurer et/ou restituer une violence aux mots, une cruauté au théâtre. Il adhère au texte, ne joue pas le sous-texte. Chacun de ses rôles est une expérience vivace de spectateur.
William Mesguich est un comédien prodigue et altruiste tandis que Sylvain Tesson est un misanthrope radical. La confrontation exigeait une adresse d’interprétation. Fort d’une humilité, apanage des grands interprètes, le comédien plie sous le texte pour l’habiter. Il semble se brider pour se soumettre. Il impressionne par un jeu contre sa nature. La confrontation n’aura donc pas lieu. Elle est remplacée par une complicité à distance au sein de laquelle chacun répondra et s’alimentera de l’autre. Nous serons transportés dans l’univers mental de Sylvain Tesson, dans sa crainte de la société des hommes, dans son amour du verbe, parfois dans son humour.
Un voyage avec le comédien en compagnon de route. Et William Mesguich fait émerger l’humanité de l’écrivain et transforme le témoignage en aveu. L’ermite devient notre prochain, sa leçon une universalité. En une grosse heure, nous aurons appris beaucoup de Tesson, de Mesguich, du théâtre et de nous.
Dans les forêts de Sibérie d’après le livre de Sylvain Tesson avec William Mesguich, collaboration artistique Estelle Andrea
à 16H50 aux Corps Saints
Crédit Photos Laurencine Lot.