Théâtre
[Critique] Escorial à l’Opéra de Lille : renaissance de la Flandre espagnole avec Josse de Pauw

[Critique] Escorial à l’Opéra de Lille : renaissance de la Flandre espagnole avec Josse de Pauw

23 February 2014 | PAR Audrey Chaix

L’Opéra de Lille accueille Josse de Pauw sur son plateau pour la première française de son spectacle Escorial, écrit par Michel de Ghelderode. Un spectacle qui tient plus du théâtre musical que de l’opéra avec, pour bande-sonore, les sublimes polyphonies de Roland de Lassus, issues des Neuf Leçons pour l’office des défunts, Les Plaintes de Job, composées au 16e siècle. Une atmosphère sombre, qui emprunte beaucoup aux codes de la Renaissance. Un drôle d’objet hybride, qui propose de belles images visuelles et sonores, mais qui ne tient pas toujours le rythme.

Sur un plateau en pente assez raide, deux personnes s’affrontent : le roi, interprété par Josse de Pauw, sent venir la fin de son règne alors que la reine se meurt – il l’a empoisonnée parce qu’elle le trompe avec son bouffon. Vieillissant sous le poids de sa couronne, ventripotent sous sa robe de bure, il est littéralement juché sur une pente descendante. A ses pieds, le bouffon, le rival, joué par Dirk Roofthooft, ne parvient plus à le faire rire – c’est d’ailleurs à peine s’il essaie encore, dévasté par la mort imminente de celle qu’ils aiment. Bientôt, les deux hommes échangent leurs rôles, finissent en caleçon l’un devant l’autre, comme pour gommer toute trace de soumission de l’un à l’autre – même si cela ne dure par longtemps, alors que le roi exerce son droit de vie et de mort sur le bouffon.

Si la tension est palpable, merveilleusement menée par les deux comédiens dans la deuxième partie de la pièce, la première partie peine à se mettre en place, et le plus intéressant reste le chœur du Collegium Vocale de Gand, qui interprète les chants composés par de Lassus avec une maîtrise proche de la perfection. Ils sont mêlés à une musique originale de George Alexander van Dam, une partition inspirée par les bruits des cloches, les aboiements de chiens… et c’est bien dommage. La partition de Lassus est si pure, si sublime, qu’elle se suffisait largement à elle-même.

Le texte est joué en français, et l’on sent que pour les comédiens, le rythme de la langue n’est pas encore tout à fait installé – ils gagneront certainement en fluidité au fur et à mesure de la tournée.L’atmosphère qui se dégage est celle d’une Renaissance espagnole en fin de course, d’autant plus intéressante dans cette production flamande que la région a été espagnole au 16e siècle : De Pauw recrée avec intelligence une époque qui a mêlé les différentes cultures présentes dans cette pièce, tout en rappelant, par certaines aspects, certaines pièces de Victor Hugo comme Ruy Blas.

Même si elle reste inégale, Escorial reste une pièce originale, qui oscille entre théâtre et récital de musique sacrée flamande, où le chœur joue un véritable rôle plus qu’il accompagne simplement l’action – rien que pour lui, Escorial vaut la peine d’être vu.

Photos : © Koen Broos

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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