Théâtre
Claude Regy dans un Intérieur splendide injecté dans un Japon paralysé

Claude Regy dans un Intérieur splendide injecté dans un Japon paralysé

21 September 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Présenté au Festival d’Avignon, la mise en scène par Claude Regy du texte de Maeterlinck a été perçue comme le chef d’oeuvre de cette 68e édition. Arrivé au Festival d’Automne, le génie est confirmé.

[rating=5]

Regy a 91 ans et à voir l’expérimental Intérieur, on lui en donne 22 max. Il offre ici un respect de l’intention de la pièce tout en la transmuant dans un Japon post Fukushima. La pièce elle a 120 ans et son thème, l’annonce d’un mort, est éternel. A sa création le dramaturge Belge a voulu que les personnages de la maison, ceux qui sont à l’intérieur soient muet, emplis de la sérénité de ceux qui n’ont pas encore conscience du drame à contrario de “la foule” de l’extérieur qui elle sait qu’une jeune femme a été retrouvée sans vie dans le lac. La question est : comment annoncer à cette famille et particulièrement à cette mère qui couche tendrement son enfant, seul personnage vetu de blanc, que sa fille est morte.

Pour découper l’espace Regy ne se sert que de la lumière qui trace une barrière entre deux zones. La maison clôt le plateau par un arc alors que l’extérieur englobe le public, qui est appelé à entrer et à sortir de la salle en gardant le silence. La communion est totale et le geste qui voit les comédiens non pas marcher mais osciller sur le sol fait de sable blanc. Eux, dedans comme dehors sont en noir. Eux sont des comédiens japonais issus du théâtre de Shizouoka et le spectacle fonctionne d’autant mieux qu’il se donne dans la blanche Maison de la Culture du Japon à Paris. Les scènes résonnent avec l’actualité récente du drame de Fukushima. Eux, dedans comme dehors, restent sobres, quasi placides, dans une gestuelle qui inspire Nordey faite de bras et de jambes qui épousent plus les angles que les rondeurs.

Intérieur provoque des sensations étranges qui nous dépassent : angoisse, douleur, peine mais aussi libération, stupéfaction, éblouissement. L’acte de créateur est ici génial car Regy nous manipule comme des marionnettes en nous rendant voyeurs et immobiles comme attachés à nos sièges face au drame.

Bouleversant est cet Intérieur quasiment dansé, où chaque image est une oeuvre d’art pour cette pièce en un seul acte. On pense bien sûr au Nô qui voit le geste se déployer dans l’immobilité mais aussi à des metteurs en scène comme Yves Noël Genod ou le jeune Dimitri Karantzas. Tous savent qu’une image dit plus qu’une parole.

Shizuoka, juin 2013 © Koichi MIURA

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