Théâtre
“Céline” de Juliette Navis au Théâtre de l’Aquarium : un “show” à la profondeur insoupçonnée

“Céline” de Juliette Navis au Théâtre de l’Aquarium : un “show” à la profondeur insoupçonnée

06 February 2023 | PAR Alexis Duval

En ouverture du festival Bruit, le spectacle de Juliette Navis s’est paré d’atours comiques. Conçu tel un arbre qui cache la forêt du sens, l’humour s’y révèle étonnamment vibrant.

Maintes fois imitée, la chanteuse Céline Dion est une personnalité à la théâtralité évidente. Là voilà logiquement personnage du spectacle signé par la metteuse en scène Juliette Navis, qui a choisi, en guise de titre, de ne garder que le prénom de la star. Vendredi 20 et samedi 21 janvier au Théâtre de l’Aquarium à Paris, à l’occasion de l’ouverture du festival Bruit (qui se tient jusqu’au 19 février), c’était “le show”, comme on dit au Québec. 

Céline, un “one-woman show” ? Il s’agit indubitablement d’un seul-en-scène, où l’on rit (beaucoup). Prise de logorrhée, la pétulante Laure Mathis est pour beaucoup dans la réussite de la pièce. Body d’un bleu rutilant et veste d’un orange criard, l’interprète occupe l’espace avec force apostrophes au public : “Vous inquiétez pas, p’tit Aquarium.” Elle joue sur l’accent prononcé, les tics de langage et les anglicismes de l’artiste aux 230 millions d’albums vendus dans le monde. 

Sans oublier de recourir aux québécismes : “Pas pantoute”, “J’aime beaucoup ça, la jasette”, “Excusez-moi, j’ai la pleurance facile”, “Je ne vais pas vous mettre les yeux dans l’eau” et autres “Elle est habillée comme la chienne à Jacques”… Autant de particularités linguistiques savoureuses qui sont la preuve d’une richesse de la francophonie et qui ont beaucoup fait rire des spectateurs ébaubis devant la drôlerie de la comédienne.

Epilogue symboliste, joli quoiqu’un peu balourd

Seul-en-scène qui laisse une juste place à l’improvisation, Céline est surtout une partition théâtrale qui ne dit pas son nom. Le comique est un atour dont se pare un texte plus profond, plus grave. Connaissance de soi, solitude, mort… Le propos ontologique prend même tout son sens dans un épilogue symboliste, joli quoiqu’un peu balourd, où le personnage explore une caverne toute platonicienne.

Après un déploiement d’énergie qui voit la comédienne quadriller la scène, Céline s’ouvre finalement à la transcendance mystique. Eloge de la lenteur et expression d’un besoin de reconnexion avec la nature, le texte cite très justement “La marche à l’amour” de Gaston Miron, un des poèmes les plus célèbres de la littérature québécoise : “Tu es mon amour / ma clameur mon bramement / tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers.” 

La dramaturge et metteuse en scène Juliette Navis et sa compagnie Regen Mensen entreprennent d’utiliser un mythe contemporain pour asseoir un propos philosophique. C’est ce qu’ils l’avaient fait avec JC, initiales de Jean-Claude Van Damme – spectacle d’ailleurs également proposé samedi 21 janvier au Théâtre de l’Aquarium. Il y a en tout cas une profondeur insoupçonnée dans Céline, un “show” dont on recommande chaleureusement la découverte.

Céline, de Juliette Navis, avec Laure Mathis. Au Théâtre de l’Aquarium le 20 et 21 janvier, en tournée au Théâtre Sorano à Toulouse les 25, 26 et 27 janvier, à l’Etoile du Nord les 10 et 11 février, et au Kinneksbond à Mamer (Luxembourg) à l’automne 2023.

Le festival BRUIT se poursuit jusqu’au 19 février. Tout le programme est ici.

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Alexis Duval

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