Musique
Quand les mondes de Claire Diterzi (s’en)chantent

Quand les mondes de Claire Diterzi (s’en)chantent

06 February 2023 | PAR Noemie Wuchsa

Dans le cadre du festival les Singulier·es, le CENTQUATRE-Paris a accueilli la metteuse en scène et chanteuse Claire Diterzi pour ses nouvelles créations. Se sont produits le Concert à table (du 19 au 21 janvier) et Puisque c’est comme ça je vais faire un concert toute seule (les 25, 28 et 29 janvier), soutenus par la compagnie Je garde le chien. Festin réussi ? Rétrospective sur deux concerts-performances, le tout en un bouillon de voix, de conte et de théâtre, pour une mise en bouche intimiste et sonore.

Piano piano : le bruit s’éveille en un Concert à table

Lou Renaud Bailly. Les 2 musiciennes se retrouvent face à face sur la table. micro en-dessus d’elle. Symétrie en apparence. Elles siègent à table pour des couleurs jaillissantes, devant une multitude de grands verres à ballon, luminaires, bouilloire, petits couverts et en tout genre, de cuisine … comme de musique. Un clavier de piano pour l’une, un xylophone et un triangle pour l’autre. 

C’est l’occasion rêvée pour changer l’ordre, transformer les objets en instruments, et faire naître une tonalité apaisante, aérienne, en écho à notre quotidien d’ustensiles. Mais point trop immobile ni sérieux: décor inhabituel n’empêche pas aux deux musiciennes d’interagir, entre elles et le public hissé en demi-cercle; elles bougent, essaient les instruments à disposition, comme un jeu expérimental pour construire une mélodie. L’humour s’y joint, avec une autodérision juste, suffisante et réussie dans ce magma audible et joueur. Il surgit autant dans leurs propres paroles, refrains – dans les histoires, aux tons graves et langages aigus – que dans le jeu caché de Claire, aux touches de confidences intimistes et d’ironie sans sarcasme. 

Mezzo forte : entrevue d’un opéra intérieur

Anya, le personnage incarné par Anaïs De Faria, attire notre regard dans l’univers d’une enfant d’origine russe nourrie de musique et d’imaginaire. L’enfant attend l’arrivée du public in medias res, pour tendre vers un monologue animé, touchant et conscient, peuplé de chansons apprises autrefois par son grand-père Vassia, chef-d’orchestre à Moscou. Ses habits fluorescents se décrochent rapidement de sa peau et changent selon ses propos : questionnement, réponse, affirmations, ou imaginaire. En apparence minimaliste mais fournie de nombreux objets dispersés, la chambre d’Anya – en résonance à la scénographie du Concert ? -, l’actrice enlève peu à peu les rideaux accumulés sur l’armoire derrière elle. Pour donner à voir un mystérieux placard avec toutes sortes d’objets. Aquarium, mappemonde, livre de contes, et autres objets-récits gisent ici, propres à l’enfance et au rêve. 

Pas seulement un jeu de guimauve, s’ensuit vers la moitié de l’oeuvre un moment inattendu, discontinu, envolé, et mène le récit vers un sentiment de révolte générale. Le personnage parle, emploie l’anaphore du refrain, et s’empare de tout l’espace de la pièce, d’un pas saccadé, par un rythme quasi slamé pour dénoncer l’injonction, l’autoritarisme, et pour proposer un monde plus juste, musical et libre. Comme le sien. 

Les deux spectacles-saynètes nous donnent à voir et à entendre de profondes doses énergiques, oniriques et polyphoniques. Leurs formats courts permettent de s’asseoir pour moins d’une heure et de goûter les fines comptines de Claire Diterzi. 

 

Il reste trois dates en France pour les découvrir. Pour plus d’informations, c’est ici

Photo de couverture : Affiche du Festival les Singulier·es, CENTQUATRE-Paris © DR

Karine Rougier, l’écoféminisme magique
“Céline” de Juliette Navis au Théâtre de l’Aquarium : un “show” à la profondeur insoupçonnée
Noemie Wuchsa

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration