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La Saison des Saint-Jacques

La Saison des Saint-Jacques

06 February 2023 | PAR Nicolas Villodre

C’est la saison. La saison des Saint-Jacques. De la coquille du même nom, symbole de Santiago de Compostela, signe et signal pour les 300 000 pèlerins s’y rendant chaque année, provenant de tous coins d’Europe, traversant l’hexagone. Plus prosaïquement, ces coquilles sont un des trésors de la Manche, pas de celle de Cervantes, mais de Flaubert. Dans le cadre de la carte blanche proposée par la Maison des métallos à Grand Magasin, le duo d'”explorateurs du langage et des évidences” a invité Michel Dupuy, un artiste ayant pour spécialité les « visites guidées ».

Guide du routard

L’événement avait pour titre Compost et, pour sous-titre, Départ pour CompostelleGrand Magasin concurrençait le BHV ouvert l’après-midi de ce premier dimanche de février en nous fixant rendez-vous avec le conférencier tour Saint-Jacques, comme il se devait. L’idée était de commencer, dès avant le commencement de la Route, par un topo avec des informations d’ordre historique, des conseils pratiques et de continuer par un ou plutôt deux points de départ symboliques. Un kilomètre de tour entre la tour et le kilomètre zéro : tel était l’exercice physique proposé aux auditeurs venus en nombre devant passer à l’acte après le speech et suivre le guide en empruntant la rue… Saint-Jacques.

Cela pour atteindre la cathédrale Notre-Dame de Paris retapée à neuf, et quasiment opérationnelle pour les J.O. de 24 chers à la Maire, au Président et, plus encore, aux contribuables. La ballade avant la balade, pouvait-on se dire en buvant les paroles du poète Dupuy dont la prose portait en plein air, et en léger courant, sans le besoin d’une sono, tout le public attentif derrière la statue représentant Blaise Pascal armé du baromètre qu’il mit au point ici-même, avec l’aide de son beau-frère resté au pays, au Puy. Bien sûr, après les intuitions de Galilée et les expériences d’Evangelista Torricelli. 

GR®65

À raison de vingt ou vingt-cinq kilomètres de marche par jour, tout un chacun peut atteindre le but, pour ne pas dire la Mecque, après une randonnée de 1460 km, d’ici la fin avril. Quelques recommandations sont nécessaires pour préparer son sac à dos. Le bagage ne doit pas dépasser 10% de notre poids. Il faut prévoir un coupe-vent léger, trois paires de chaussette noires, comme celles d’Eddy Mitchell (l’une aux pieds, la seconde pour se changer, la troisième, fixée au sac par des épingles de nourrice, séchant au vent), un tire-tiques, un bourdon, une cuiller customisée (dont le manche peut faire office de lame de couteau)… “Tout prévoir, ne rien espérer, ne rien redouter non plus, c’est déjà une attitude mentale qui paraît intéressante”, dit Michel Dupuy. Il précise qu’il ne va à Compostelle “ni pour des raisons religieuses,  ni pour se “reconstruire”, ni pour faire un exploit physique (et des selfies), ni pour chercher l’âme sœur, mais pour “se rassembler”, et pour l’amour de la marche”.

Dupuy rappelle les quatre chemins qui mènent à Compostelle : la via Tolosana, qui passe par le Languedoc et qui rejoint au col du Somport les Pyrénées; la via Podiensis, du Puy-en-Velay jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port; la via Lemovicensis qui part de Vézelay et croise Limoges; et puis ici, de la Tour Saint-Jacques, la via Turonensis, la voie de Tours. Il cite aussi Le Rhin, Lettres à un ami de Victor Hugo : “Rien n’est charmant, à mon sens, comme cette façon de voyager. – A pied ! – On s’appartient, on est libre, on est joyeux ; on est tout entier et sans partage aux incidents de la route, à la ferme où l’on déjeune, à l’arbre où l’on s’abrite, à l’église où l’on se recueille. On part, on s’arrête, on repart ; rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie ; la rêverie voile la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. On ne voyage pas, on erre. à chaque pas qu’on fait, il vous vient une idée. Il semble qu’on sente des essaims éclore et bourdonner dans son cerveau.”

Visuel : Michel Dupuy, armé d’une coquille et d’un bourdon, à la Tour Saint-Jacques © Nicolas Villodre.

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