
Bernard Levy nous offre un Dario Fo bidonnant
Avec la pièce On ne paie pas ! On ne paie pas ! On découvre un Dario Fo hilarant dans la grande salle de la Tempête. L’art de Bernard Levy construit une mécanique burlesque irrésistible, digne de Chaplin ou de Keaton, pour donner toute sa portée jubilatoire à la farce.
Dario Fo, prix Nobel révolté, a arpenté toute sa vie sur les estrades des usines pour diffuser aux ouvriers son théâtre si drôle, marqué par son engagement sociopolitique. Ni la censure, ni ses divers procès avec l’État et le Vatican, n’auront eu raison de son comique ravageur, de son insolence civique. En 1974, il écrit ce qui ressemble à un manifeste insurrectionnel On ne paie pas ! On ne paie pas !. D’abord écrite sur fond de luttes ouvrières à Milan, cette satire politique a été réécrite en 2008 au moment de la crise des subprimes. Entre-temps, le communisme italien a disparu sous les coups du réel et Dario Do a mûri, abandonné le radicalisme pour un militantisme de centre gauche.
Bernard Levy se saisit de la pièce version vingt et unième siècle et lui rend ses couleurs de farce hilarante et de savoureuse comédie humaine.
Ça ressemblerait à un slogan révolutionnaire
On ne paie pas ! On ne paie pas ! ressemble à un Feydeau avec quiproquos, courses poursuites, portes qui claquent et personnages cachés dans le placard. Des femmes affamées et en colère devant la flambée des prix imaginent une action coup de poing. À l’intérieur de leur magasin habituel, elles décident d’abord de payer le prix qu’elles fixeront elles-mêmes. Antonia refusera de passer à la caisse du supermarché. Elle raflera tout ce qui passe, du millet pour canaris à la pâtée pour chiens. Mais où cacher le butin ? La course poursuite s’engage alors avec les gendarmes.
Mais c’est une satire de notre société de consommation, version ouvrière.
La pièce est un Feydeau en milieu ouvrier, une satire enlevée de la société de consommation sur fond d’émancipation des femmes. Il y a dans un vaudeville une grande exigence à produire l’effet comique. Dario Fo a bâti des quiproquos dans un naturalisme radical. Chez lui, comme chez Feydeau, il n’y a aucune psychologisation, aucun sous-texte, seulement la joie de partager avec le public des secrets que ses personnages ne découvriront qu’à la fin de la pièce. La mise en scène se doit d’être rapide et galvanisant, et s’en remet à des acteurs champions de la parodie et des quiproquos. Nous n’avions pas vu cela depuis longtemps. Nous pourrions presque écrire que jamais la grande salle de la Tempête n’a autant ri à l’unisson, ressemblant parfois à l’Olympia d’un comique à la mode. Les comiques sont, nommons-les pour les remercier : Flore Babled, Elie Chapus, Eddie Chignara, Grégoire Lagrange, Jean-Philippe Salério, Anne-Élodie Sorlin. Avec une mention spéciale à l’épatant Eddie Chignara.
Une pièce à aller voir dare-dare et surtout pendant les gréves.
On ne paie pas ! On ne paie pas ! de Dario Fo
texte Dario Fo, Franca Rame
traduction et adaptation Toni Cecchinato, Nicole Colchat
mise en scène Bernard Levy
avec Flore Babled, Elie Chapus, Eddie Chignara, Grégoire Lagrange, Jean-Philippe Salério, Anne-Élodie Sorlin
salle Serreau
du mardi au samedi à 20h
dimanche 16h
durée 2h05
Crédit photos ©Pascal Cholette