Submission Submission, les saintes volontés de Bryana Fritz
En guise d’ouverture, le festival l’Echelle humaine propose une double soirée schizophrène. Après la danse chic et intello de Noé Soulier, nous avons glissé dans une autre ambiance, celle de Bryana Fritz tentant de “donner corps aux saintes”.
Bryana Fritz nous accueille toute de blanc vêtue, en pantalon et tee-shirt. Autour de ses mains, elle porte des bandelettes qui laissent deviner ses stigmates sanglants. Elle commence par nous réunir pour nous expliquer son projet. Il est aussi fou que simple : redonner vie aux voix de saintes, en l’occurrence quatre, qui ont vu leur vie être compressée par leur époque. En toute humilité et de façon un peu effrayante, la performeuse affirme “C’est Dieu qui parle à travers moi”. Tout un programme !
Le programme se déroule en quatre temps, pour quatre saintes, différentes à chaque itération de la performance : Hildegarde de Bingen, Catherine de Sienne, Christine de Bolsena et Jeanne d’Arc. Pour chacune, il s’agit de lui redonner une voix numérique et actuelle.
Bryana Fritz danse possédée, elle se laisse envahir par les mots qui coulent sur le grand écran qui lui sert de décor. “Tongue/ Eyes/ Lips/Stomach/ Bladder” par exemple pour Hildegarde de Bingen qui avait des visions. “J’apprends et je sais en un instant” dit-elle. Toutes ont des vies cassées, soit parce qu’elles sont mortes brûlées, la langue coupée ou soit parce qu’elles ont choisi la réclusion.
La performance prend en puissance et en rythme au fur et à mesure des rencontres. Bryana Fritz s’amuse beaucoup à “être'” ces femmes. Elle leur redonne une autre apparence, une autre force. Toutes deviennent des modèles féministes, particulièrement Christine de Bolsena, dont la légende dit que sa langue coupée a été jetée au visage de son père, venant de faire ce carnage. Et miracle.. elle a pu continuer à parler, enfin….selon la légende!
Et puis il y a la star des stars, Jeanne D’arc, utilisée par tous, de l’extrême droite à l’extrême gauche, partout en Europe et depuis très longtemps! Elle devient ici une muse érotique dans un récit sensuel. On entend “le nom de Jeanne était sur toutes les lèvres” et on se marre.
Un peu plus sérieusement, Submission Submission rappelle que des femmes ont vécu avant les différentes révolutions féministes, que leur nom existait et que sous ces noms il y avait des corps et des voix. En se passionnant pour ces icônes médiévales connues pour trois d’entre elles ,uniquement dans les livres d’hagiographie, elles les ramènent aujourd’hui à une puissance moderne.
Le festival Echelle humaine se déroule jusqu’au 18 à Lafayette Anticipations, avec notamment, le samedi 17, la venue des rares Jonathan Burrows et Matteo Fargeon à 20h00, à ne pas rater.
Visuel : Bryana Fritz © Michiel Devijver