Performance
Olivier Saillard fait défiler la mémoire des corps au Festival d’Automne

Olivier Saillard fait défiler la mémoire des corps au Festival d’Automne

08 October 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Prétentieux, glamour, sexy. Le spectacle que propose le directeur du Musée Galliera (Musée de la mode de la ville de Paris), Olivier Saillard s’amuse une fois de plus à faire défiler les filles en dehors des podiums. C’est au Centre National de la Danse qu’il choisit de déposer les corps des icônes que sont les tops Christine Bergstrom, Axelle Doué, Charlotte Flossaut, Claudia Huidobro, Anne Rohart, Violeta Sanchez et Amalia Vairelli. Models Never Talk, une leçon de style.

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Elles sont belles. Elles ont quitté les catwalks depuis, pour certaines, plus de trente ans. Le temps n’a eu aucun effet sur ces muses qui ont orné les murs des chambres des jeunes filles des années quatre-vingt-dix. Pour accéder à ces créatures, il faut de la patience et de la confiance en soi. Marcher dans les rues de Pantin mal éclairées, à la recherche d’un lieu jamais indiqué. Un défilé, cela se mérite. Il faut aussi accepter une double idée : les robes sont des pièces de musée et un défilé est un spectacle.

Elles sont en body noir, collant opaque, escarpins à talon aiguille de chez Vivier. Certaines, ont sur le dos, à la façon de Margiela des blouses blanches portées en vestes. 

Elles vont incarner les robes mythiques qu’elles ont sublimées sans jamais ni les montrer, ni les porter. Elles racontent seulement, et font danser les tissus disparus sur le long de leurs corps. La longueur d’une robe décidée par Madame Grès, un smoking de Saint Laurent, les chaussures plates de Comme des Garçons, les coiffes folles du défilé Insecte de Mugler… Elles marchent, le regard décidé, se déhanchent comme il se doit, comme si les flashs allaient une nouvelle fois les shooter.

Elles parlent, pas trop d’ailleurs, pour dire comment ces œuvres d’art, que souvent elles seules ont portées, se traduisaient vu de leur corps : elles réactivent des tissus absents, et apportent leur perception de cet objet. C’est une connaissance qu’elles seules peuvent avoir. “Très confortable” est la chemise en agneau à manches kimono de chez Margiela pour Hermès… On rit souvent ici, face à ce regard dans le rétro. On est surtout émus de saisir, et là, le geste est infiniment chorégraphique, comment ce n’est pas le vêtement qui impose au geste mais bien le geste qui déploie le vêtement.

Elles ont été muses, Anne Rohart s’est vue consacrer un livre par Dominique Isserman, Amalia Vairelli a inspiré Saint Laurent pendant vingt ans, Violeta Sanchez a posé tant pour Helmut Newton. Elles sont l’image de la Haute de Couture, les définitions plurielles de l’élégance. Grace à elles, la mode a pu se transformer, passant par les “cages” de Gautier, ou les épaules de Montana. Saillard fait défiler la mémoire des archives. Il s’agit de lacer l’absence d’un corset, de tracer un trait imaginaire sur ses yeux. Et pourtant, les taffetas et les couleurs jaillissent en nous, via le récit que nous en font les mannequins. Qui a inspiré qui ? Cela reste à discrétion de ce spectacle aussi pointu qu’un défilé de fashion week. Olivier Saillard s’inscrit ici dans une actuelle tendance du spectacle vivant qui vient raconter sa mémoire en la réactivant sur les plateaux. On a vu récemment Boris Charmatz faire danser Vingt danseurs pour le vingtième siècle à l’Opéra Garnier. Models never talk vient aussi dire une nouvelle fois les ponts qui restent à consolider entre la mode et le spectacle vivant. Car, si du point de vu muséal nombreuses sont les expositions consacrées au genre, faire de la mode un objet plastique à intégrer non pas au rang des costumes mais bien à celui de personnage reste rare. On se souvient de Christian Rizzo qui au Théâtre de la Ville présentait L’oubli toucher du bois, un spectacle sur l’après défilé. Saillard nous place Backstage avant que les filles ne se lancent, faisant de nous des spectateurs très privilégiés d’un monde normalement interdit aux voyeurs.

Visuel : ©Giovanni Giannoni

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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