Les pépites du Festival Trente Trente à Bordeaux
Trente Trente, festival du spectacle vivant, initié et porté par Jean-Luc Terrade accompagné de sa compagnie de théâtre, défend à Bordeaux depuis sa création en 2004 une programmation des formes courtes hybrides et pluridisciplinaires. Cette année encore notre passage au Festival fut l’occasion de découvrir dans une ambiance contributive quelques pépites du spectacle vivant.
Le festival Trente Trente donne la parole aux artistes de la création contemporaine et propose une programmation de formes scéniques hybrides aux univers insolites. La 16eme édition a réunit une vingtaine de propositions trés audacieuses en danse, performance, cirque, musique, théâtre, cinéma et installation. Depuis La création du festival, il y a maintenant 15 ans, Jean-Luc Terrade son créateur ouvre un espace de discours de résistance, de coupures, de polémiques, de désordre mais aussi de tendresse et de sensualité. Il repère dans chaque performance, chaque lecture, chaque rencontre une aubaine pour nous de penser autrement.Des parcours découvertes journalier augmentent le sentiment de bienveillant accueil vécu par chaque festivalier du 18 au 31 janvier 2019 à Bordeaux Métropole et en Nouvelle-Aquitaine.
Ces parcours faits d’escales dans les lieux de la culture ou des lieux utilisés de façon opportuniste à l’instar de la Halle des Chartons vaste pentagone vitré ouverts sur la ville qui reçu un court spectacle (7minutes) autour d’un texte de Victor Hugo sur la commune. Le festival investit ainsi Bordeaux avec le Glob Théâtre, La Manufacture CDCN, Marché de Lerme, Halle des Chartrons, Le Performance, Espace29, Cinéma Utopia, Atelier des Marches, Espace Jean Vautrin, Théâtre des Quatre Saisons, ou la région avec Agora PNC Boulazac, Espaces Pluriels Pau, L’Avant-Scène Cognac, CCM Jean-Moulin Limoges.
Ce qui frappe le festivalier est d’abord la pluralité des spectacles proposés. Ce sentiment rare de ne voir ici ce qui ne se voit pas ailleurs. La spécificité du festival bordelais réside aussi dans la richesse d’un public très impliqué, débattant sur le trottoir, dans les foyers des théâtres avant et après chaque représentation. Le festival doit beaucoup à ces conversations enthousiastes entre inconnus, autant d’après coups jubilatoires de l’étonnement renouvelé à chaque proposition . En cela le festival Trente Trente est tout simplement addictif. Lors de ce millésime, nous y avons découvert quatre pépites.
Farci.e de Sorour Darabi.
La jeune Sorour Darabi, 27 ans, a grandi à Chiraz (Iran). D’abord tournée vers les mathématiques dès le lycée, elle se découvre une passion pour la musique à 17 ans. Le violon au menton pendant six ans, elle a parallèlement la révélation de la danse contemporaine. « La danse était taboue, interdite à l’époque en Iran, et nos activités se déroulaient dans l’underground, Sorour devenu homme anatomiquement, mais revendiquant son statut de non-genrée il/elle invente une spectacle clownesque et tendre par un personnage comme sorti d’une pièce de Christoph Marthaler. Il/ elle emporte l’admiration du public par un esthétisme aiguisé et une gestuelle entre danse et handicap. Son spectacle est une ode bouleversante à la fragilité et à la vulnérabilité .
La prophétie des Lilas de Thibaud Croisy
Au début de l’année 2016, Thibaud Croisy retrouve la personne qui l’a mis au monde. La pièce témoigne de ses conversations avec ce médecin qui l’a connu alors qu’il avait la taille d’un poing fermé. Dans une transgression fine mais absolu Thibaud Croisy interroge ce qu’est un corps traversé par la loi et ce qu’il advient lorsqu’au pretexte de respect ou de soins ce même corps devient propriété du médecin, échappe à son propriétaire. Le dispositif scénique est simple. Thibaud Croisy assis à son bureau face au public se raconte. Au bout de ce bureau, une opératrice manipule un vidéoprojecteur et égraine le long du récit les images mentales associées. Elle est le reliquaire du la nostalgie de l’auteur. Le propos est brillant, radicalement novateur et la forme pénétrante.
Pode Ser, « peut être ». de Leila Ka
Laila Ka apparait devant nous en tenue hybride, en mi danseuse classique mi danseuse de rap. Elle pourchasse à illustrer la difficulté d’être soi au travers d’un dialogue brut, fabriqué de différents langages chorégraphiques, à la recherche des identités multiples qui constituent sa personne aux différentes étapes d’une vie.La musique de Schubert fait place un moment à de la musique electro. La dance intrique l’élégante élasticité de l’agressée à la raideur d’une combattante. Tout est radicalement magnifique. La jeune chorégraphe hypnotise la salle. Chacun retient son souffle devant la beauté du geste, mais aussi devant ce combat entre cette formidable artiste et la musique, un combat qui parfois évoque la boxe, parfois le viol. Le spectacle de dix sept minutes fait la gloire de l’ensemble du festival.
Ruminant ruminant de Brice Noeser et Karina Iraola
Les deux artistes canadiens défendent une proposition foutraque faite de danse et de texte. Le biais est à la recherche avec une participation active du public à ce work in progress. Entrechoquant les langues, les rythmes, les genres et les espaces, la pièce au bord du déraillement amuse le public. une scène parmi d’autre : la femme écoute un monologue de Guillaume Galienne au casque, l’homme écoute au casque la chanson Ouragan de Stephanie de Monaco tandis que le public entend une musique de Gabriel Yared. Chacun avec sa bande son, chacun dans son quant à soi. Pourtant lorsque les deux comédiens isolés par leurs écouteurs enclenche une danse, un lien invisible émerge entre eux et nous. Le ratage a lieu sans le déraillement et se reconstruit devant nous le lien ou du moins l’espoir du lien antre les humains. Au final, ce spectacle comique aura exploré les ratages et les dérapages et aura su mettre en scène et en mouvement ce qui fait vibrations individuelles et synchronisation collective. Un spectacle sur l’amour au fond. Épatant.
Crédit Photos : Affiche du festival.
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