
“Borderline(s) investigation #1 – les limites” : Frederic Ferrer expose le pire et c’est scientifiquement drôle
Jusqu’au 8 décembre le géographe perfomeur pose les limites à la fois de notre civilisation mais aussi de ce que faire théâtre veut dire. Tout va mal, on le sait, alors autant se marrer. A voir d’urgence, pour sauver le monde ensemble, à la Villette jusqu’au 8 décembre
Aucun doute c’est une conférence. Paper board, grand tableau, plantes vertes décoratives et canapés rouges. Le cadre est posé. En interview, Frédéric Ferre nous confiait : “C’est un théâtre qui me convient. J’utilise une sorte de « dramaturgie du Powerpoint » et par ce dispositif je mets en oeuvre un glissement progressif, au fur et à mesure des slides, afin que le raisonnement et le récit puissent dévisser et se décaler, et in fine devenir absurdes ou idiots. Car j’aime l’idiotie et l’absurdité. C’est une manière de regarder le monde qui me convient.”
Et c’est bien cela qui se passe devant nos yeux, assez éberlués. Hélène Schwartz, Karina Beuthe Orr, Guarani Feitosa et Frédéric Ferrer vont chacun leur tour et dans des langues de plus en plus improbables (vous apprendrez quelques mots en viking médiéval) questionner la notion de frontière dans ses contours absurdes. Entre la Russie et la Norvège on peut circuler librement mais ni à pied ni en voiture, alors, les réfugiés syriens traversent avec des vélos enfants qu’ils abandonnent. Entre le Brésil et la France (si si !), un pont a été construit, et ce pont inadapté sépare les peuples au lieu des les rassembler. Par exemple.
Et des exemples il y a aura des tonnes dans cet exposé géographique, géopolitique et anthropologique. La forme conférencée, désormais classique dans le théâtre actuel permet de mettre en scène le réel sans le modifier mais en le rendant plus accessible. Les comédiens assistés d’une régisseuse plateau, prête à en découdre avec tous les effondrements, sont de véritables caméléons qui se muent dans des époques et des langues diverses. Le décor s’ouvre et notre imaginaire aussi, jusque sur les terres froides du Groenland.
On sort de là conscient que ce n’est pas à notre petit niveau personnel que nous pourront repousser les limites de la fin de notre monde. C’est trop tard. Pourtant, Borderline(s) investigation #1 – les limites n’est pas dogmatique et encore moins professoral. La pièce expose l’état du monde et les politiques publiques délirantes menées non pas depuis quelques années mais depuis des décennies. On devrait pleurer face à un Edouard Philippe à qui la crise écologique “pose question”, mais on rigole, franchement.
Quoi faire d’autre ? Peut être prendre exemple sur les Inuits et la jouer ultra local. Ça ne suffira pas mais ce sera un premier pas. Ou alors, allez se trouver une autre planète. Quelque chose nous dit que cette idée taraude déjà Frédéric Ferrer ! Il faut rire du pire disait Wolinski. Alors, on obéit.
Visuel : Frédéric Ferrer – VisuelBI ©NASAJPL-Caltech
Informations pratiques
Du au
à partir de 8€
durée : 1h40