
Rossini, Airbus et les Papous à Montpellier
Bras droit de Laurent Spielmann à l’Opéra national de Lorraine avant de prendre les rênes de Montpellier, Valérie Chevalier ouvre sa quatrième saison avec une Italienne à Alger créée en 2012 à Nancy. Revisitée par David Hermann, la comédie bouffe de Rossini troque l’orientalisme de pacotille et le naufrage d’un navire pour une robinsonnade à la suite d’un crash d’avion. Un spectacle réussi qui fait du bien pour oublier la morosité de la rentrée.
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Pour reconstituer le décor d’infortune dessiné par Rifal Ajdarpasic, on est allé cherché une authentique carlingue d’Airbus arrêtée par le destin qui gisait dans une casse près de Bristol, au sud de l’Angleterre, mais sans sponsorisation de l’avionneur européen – les férus de machines volantes commerciales pourront d’ailleurs reconnaître des modèles de sièges que l’on rencontrait sur les moyen-courrier dans la décennie précédente. Au milieu d’une jungle de bambous, les autochtones ont l’allure de tribus reculées de Papouasie ou autres peuplades équatoriales, avant que, à l’heure de la fuite d’Isabella et ses amis, ils ne retirent leurs masques et déguisements, laissant découvrir les naufragés qui retrouvent leurs uniformes d’équipage et de touristes. Habile et coloré, le spectacle prend, dans les dimensions de l’Opéra Comédie, des teintes plus intimistes rehaussées par les lumières réglées par Fabrice Kebour.
L’autre sel de cette reprise réside dans la direction de Michael Schønwandt, lequel vient d’être reconduit pour trois ans à la tête de l’Orchestre national Montpellier Occitanie. Plutôt que quelques réglages perfectibles, on retiendra d’abord une vitalité et une plasticité rythmique qui s’affirment dès l’Ouverture, où la sécheresse des percussions des janissaires est mieux mise en valeur que de coutume, tandis que, plus loin, le dialogue avec le pianoforte inventif d’Yvon Repérant se laisse goûter avec gourmandise.
Côté plateau, Hanna Hipp fait une Isabella de belle tenue, qui contraste avec la fraîcheur aérienne de l’Elvira de Pauline Texier, aux côtés de la Zulma également juvénile de Marie Kalinine. Lindoro d’une séduisante légèreté, Alasdair Kent aurait gagné un soupçon d’indulgence s’il n’avait pas eu la pudeur de taire son indisposition – un rhume semble-il. Le solide Mustafà de Burak Bilgili n’a vraiment pas cette excuse pour son vibrato parfois envahissant. Si Daniel Haly réserve un honnête Haly, c’est l’impayable Taddeo d’Armando Noguera qui se distingue, avec une irrésistible maîtrise vocale et comique. Quant aux chœurs préparés par Noëlle Gény, ils participent de la réussite de la soirée.
L’Italienne à Alger, de Rossini, mise en scène : David Hermann ; Montpellier, jusqu’au 1 er octobre 2017
Crédit photo : ©Marc Ginot
Gilles Charlassier