Opéra
Ô mon bel inconnu : Reynaldo Hahn programmé à l’Opéra de Tours à l’occasion des fêtes de fin d’année

Ô mon bel inconnu : Reynaldo Hahn programmé à l’Opéra de Tours à l’occasion des fêtes de fin d’année

20 December 2022 | PAR Hélène Biard

La fin de l’année est propice à laisser flotter dans l’air un vent de légèreté. En programmant Ô mon bel inconnu composé par Reynaldo Hahn (1874-1947) sur un livret de Sacha Guitry (1885-1957), l’Opéra de Tours ne fait pas exception et même si ce n’est pas un chef d’œuvre, cette opérette a le mérite de nous faire passer un excellent moment.

Reynaldo Hahn (1874-1947) a composé plusieurs opérettes dont Ciboulette qui dispose d’une discographie bien fournie. Ô mon bel inconnu, créé en 1933, ne bénéficie pas de la même chance ; pour cette production, le Palazetto Bru Zane s’est associé à l’Opéra de Tours pour redonner vie à cette œuvre oubliée du compositeur. C’est aussi l’occasion pour l’Orchestre symphonique de la région Centre Val de Loire / Tours de lancer un cri d’alerte angoissé sur sa situation très difficile (une pétition existe pour les soutenir).

Une mise en scène sans fautes

Pour cette production de Ô mon bel inconnu, c’est Émeline Bayart qui est en charge de la mise en scène. La lecture de la jeune femme est assez traditionnelle sans pour autant tomber dans la mièvrerie ; cela bouge dans tous les sens et les imbroglios s’enchaînent sans arrêt. Les petits mouvements de chorégraphie que l’on voit de temps à autre sont exécutés sans problèmes. Émeline Bayart, qui est comédienne, ne surcharge pas ses comédiens-chanteurs de détails inutiles et/ou sans rapport avec le livret et c’est appréciable dans cette période ou le « regietheater » fait force de loi sur nombre de scènes françaises et internationales. Mais Émeline Bayart est bien aidée par la scénographie et les costumes de Anne-Sophie Grac et par les lumières de Joël Fabing qui nous font retourner, avec talent, dans les années 1930.

Une équipe de comédiens – chanteurs jeunes et soudés

Les responsables du Grand Théâtre de Tours ont, de longue date l’immense mérite de faire appel à des artistes français. Et même si l’on y voit aussi des artistes étrangers (Yves Saelens dans Idomeneo rè di Créta et dans La clemenza di Tito, par exemple) on ne peut qu’apprécier de voir cette nouvelle production opératique réunir des artistes jeunes et talentueux à la diction impeccable tant dans les parties chantées que dans les dialogues. La distribution de ce Bel inconnu est dominée de la tête et des épaules par Marc Labonette, un Prosper Aubertin très inspiré ; le baryton orléanais est au top de ses moyens et il incarne ce Prosper à la fois humain (quand il réalise que sa femme et sa fille doivent être bien malheureuses pour entretenir une correspondance amoureuse avec un inconnu), et retors (quand sa revanche est suffisamment bien ficelée pour faire réagir Antoinette). La mezzo soprano Clémentine Tilquin campe une Antoinette convaincante : si la mère de famille est attentive, l’épouse s’ennuie au point qu’elle en vient à envisager d’aller voir ailleurs après qu’un client l’ait ouvertement courtisée dans le magasin même de Prosper. Émeline Bayart qui, en plus de la mise en scène, interprète aussi le rôle de la servante Félicie fait montre d’une gouaille rafraîchissante ; la voix chantée n’est pas extraordinaire, mais Bayart fait un effort remarquable pour se hisser au niveau de ses collègues. Sheva Téhoval est une Marie-Anne fraîche et naïve à souhait ; quant à Victor Sicard il campe un Claude, l’amoureux timide de Marie-Anne, de très belle prestance. Dans la première partie du Ô mon bel inconnu, Jean François Novelli est un Jean-Paul honnête qui joue parfaitement les amoureux transis et qui a le mérite d’ouvrir les yeux d’Antoinette sur son mariage ; en Monsieur Victor, à l’acte 3, il enfonce le clou en la mettant face à ses responsabilités d’épouse et de mère. Carl Ghazarossian en Hilarion Laplumette a un rôle bien ingrat, car c’est un rôle muet pendant presque toute la soirée ; cependant il n’en est pas moins très important, car, selon la famille Aubertin : « un ami muet, on lui dit tout ». Et en effet, chacun des membres de la famille s’épanche auprès de Laplumette sans aucun remords.

Un orchestre talentueux qui mérite d’être soutenu

Dans la fosse l’Orchestre symphonique de la région Centre Val de Loire /Tours accompagne les artistes avec talent. Si l’ouverture est très – trop – brève, elle donne le ton de la soirée : la musique sera interprétée sans temps mort. Marc Leroy-Catalayud, qui est sur le podium pour cette série, est attentif à tout ce qui se passe sur le plateau et dirige la phalange tourangelle d’une main ferme ; les nuances sont quasi parfaites, car à aucun moment les chanteurs ne sont couverts. Quant aux tempos, ils sont idéaux et le jeune chef d’orchestre démontre avec brio qu’il a parfaitement compris l’esprit même de l’œuvre de Hahn. Dans de telles circonstances, nous regretterions grandement de voir un tel orchestre disparaître et nous lui apportons un soutien total dans sa lutte pour sa survie.

Si Ô mon bel inconnu n’est pas un chef d’œuvre à l’égal de Ciboulette du même Reynaldo Hahn, le livret de Sacha Guitry a au moins le mérite d’être émaillé de traits d’humour qui font que le public éclate de rire à intervalles réguliers pendant toute la soirée. Et la production du Grand Théâtre de Tours fait mouche tant le public, dont plusieurs jeunes enfants venus avec leurs parents, réagit instantanément.

La suite de la saison du Grand Théâtre de Tours, ici

visuel © Julien Pruvost

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Hélène Biard

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