Opéra
Interview – Hui Hé : “Déjà ma centième Tosca !”

Interview – Hui Hé : “Déjà ma centième Tosca !”

01 October 2021 | PAR Paul Fourier

La soprano d’origine chinoise entame une série de représentations de Tosca à l’Opéra de Hambourg où elle interprétera le rôle pour la centième fois. Nous en avons profité pour faire le point sur sa carrière et ses projets.

Bonjour Hui Hé,
Vous êtes connue en France, mais il n’est peut-être pas inutile de revenir brièvement sur vos études et vos débuts…

J’ai étudié en Chine et, après le Conservatoire, ai participé à de nombreux concours en Chine et ailleurs. J’ai ainsi obtenu le second prix au concours Domingo en 2000 et le premier au concours Verdi en Italie en 2002.
J’ai commencé par Aïda et Santuzza dans Cavalleria Rusticana en Chine, puis en 2002, il y eut Tosca au Teatro Regio di Parma. C’est à ce moment que j’ai entamé ma carrière en Europe, avec la Scala, Paris, Hambourg, Munich, Barcelone, Vérone et, au-delà à New-York, à Chicago…

Est-ce qu’il existe une tradition de l’opéra en Chine ?

Oui et non, pas vraiment… ; une tradition, il en existe une, c’est certain, mais ce n’est pas la même (du reste, l’Opéra de Pékin est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ndlr), et la musique est un langage universel.
Ainsi, depuis 10 ou 15 ans, de nouveaux édifices ont été construits, des théâtres, des maisons d’opéras et des salles de concert avec d’excellentes acoustiques et de très beaux designs. De nombreux concerts et opéras y sont désormais produits et le nombre de fans du classique y a augmenté d’autant.

Dans quelles villes trouve-t-on ces nouvelles salles ?

À Beijing, Shanghai et Guangzhou, bien sûr, mais aussi pratiquement dans toutes les capitales de régions.

En Europe, vous avez chanté dans de nombreux théâtres. Est-ce que vous avez des préférences ?

Dans chaque théâtre, j’essaye de donner le meilleur, de faire le maximum… y compris dans des salles moins importantes. Bien sûr, je suis heureuse d’être sur scène au Metropolitan, à la Scala ou à Paris, mais pour moi, un théâtre, d’une manière générale, c’est un endroit particulier et, à partir du moment où la lumière s’éteint, où je chante une œuvre que j’aime, je me sens bien où que je sois.

Il se trouve que je parlais de vous dernièrement, car la production de Gioconda d’Olivier Py est reprise à Toulouse en ce moment. Je vous avais entendue dans le rôle à Bruxelles et vous y étiez excellente.

Merci beaucoup. J’ai chanté plusieurs fois Gioconda, également trois fois à Berlin et une fois en Italie. J’aime beaucoup cet opéra. La musique est incroyablement belle.

Dans votre répertoire figurent plusieurs personnages d’opéras de Verdi : Aïda, les Leonora du Trouvère et de La Force du destin et d’autres rôles, encore, tirés d’œuvres plus rares…

Oui, j’ai chanté dans Simon Boccanegra, Le bal masqué, Alzira, Stiffelio, Le Requiem, Ernani… dans huit ou neuf rôles de Verdi au total, je pense…

Vous êtes une grande interprète de Puccini également.

Depuis 2002, j’ai beaucoup chanté Madame Butterfly et Tosca. J’ai fait mes débuts dans le rôle de Mimi (La Bohème) en 2019 et dans celui de Turandot la même année ; je ne voulais pas aborder ce rôle trop tôt dans ma carrière. Il y avait précédemment eu Liu dans Turandot et Manon Lescaut. Je suis vraiment une soprano pour Verdi, Puccini et le vérisme !

Où avez-vous interprété Turandot ?

La première fois, c’était à Bologne, puis il y a eu Dubaï et à Shanghai.

Vous voilà donc partie pour votre 100e Tosca

Ce soir, nous avons la répétition finale, demain c’est repos et mercredi 29 (septembre) ce sera la première.

Qu’éprouvez-vous en interprétant le rôle de Tosca pour la centième fois ?

C’est un de mes rôles préférés ! Je l’ai inauguré en 2002 au Teatro Regio di Parma. Il faut savoir que je suis la seule artiste asiatique à l’avoir interprété à la Scala ! C’était en 2006.
J’adore ce rôle, car j’aime le personnage ; elle est pleine de passion, d’émotion. Elle est très forte, très amoureuse de Cavaradossi et, elle très brillante aussi. Maintenant que j’en suis à la 100e, j’espère le chanter 200 fois !

C’est, en effet, un rôle très fort. L’acte II est incroyable de puissance…

En effet, c’est un acte extrêmement dramatique qui nécessite de bons acteurs.

Nous parlions des théâtres. Combien de fois, avez-vous chanté à Paris ?

J’ai participé à Madame Butterfly en 2006 à la Bastille et au Trouvère en 2016.

Cela fait donc longtemps. Espérons que l’on va vous y revoir.

Je l’espère aussi.

En France, dans quelles autres villes avez-vous chanté ?

J’ai fait mes débuts dans Butterfly en 2003 à Bordeaux ! J’ai chanté Manon Lescaut à Toulon, Butterfly aussi à Toulouse et Tosca, Aïda, Le bal masqué à Bordeaux. Et il y a eu les Chorégies d’Orange pour Le Trouvère en 2015.

Ce n’est pas trop difficile de chanter en plein air ?

Pour moi, chanter à Orange, c’est comme chanter dans un théâtre fermé.
À Orange, l’acoustique est merveilleuse grâce au mur. J’ai également interprété de nombreux rôles à Vérone. J’aime beaucoup ces opéras en plein air ! Mais il faut avoir une bonne technique, il faut contrôler chaque son et ne pas trop forcer sa voix, car cela peut être dangereux.

À quels rôles aimeriez-vous vous confronter par la suite ?

Il y en a beaucoup ! Norma, Don Carlo, Isolde, Le Hollandais volant, le répertoire allemand, Suor Angelica également, Luisa Miller…

Dans l’année qui vient, aurez-vous une prise de rôle ?

Oui, je débute dans Alzira à Bilbao et ensuite à Liège.

Parlons de la pandémie. C’est une période difficile pour tous les artistes. Où vous trouviez-vous à ce moment-là ?

Lors de la première phase, je suis resté 3 mois et demi dans ma maison à Vérone. J’en ai profité pour développer ma passion pour la peinture. Chaque jour, j’étudiais et je peignais (pour avoir un aperçu de ses tableaux, c’est ici). Dans le même temps, j’ai préparé le rôle de Norma. Pour moi, c’était un bon moment pour un break, car alors je travaillais trop.
J’étais en voyage en permanence. Au début, j’étais anxieuse, naturellement, lorsque les théâtres annulaient tout. Mais lorsque j’ai commencé à peindre, j’ai pu réaliser une exposition dans une galerie italienne, AvA, à Dubaï. Bien sûr, mon activité principale reste le chant.
Ensuite, j’ai été très chanceuse de pouvoir effectuer une tournée de concerts en Chine. Le 15 juin, c’est en Italie que j’ai donné mon premier concert solo après le début de la pandémie, dans une église à Vérone, l’église San Zeno.

À propos, de votre tournée dans votre pays, ce ne fut pas trop difficile de voyager d’Europe en Chine ?

Ce n’était pas facile. Déjà, il fallait trouver les vols. Puis en arrivant en Chine, il fallait rester en quarantaine dans un hôtel, puis à la maison. Il a donc fallu attendre pour commencer la tournée.

Aujourd’hui, au moment où tout semble prudemment retrouver sa place, les effets négatifs d’une période déstabilisante diminuent progressivement pour laisser place à cet échange formidable qu’est l’opéra… Il reste à vous souhaiter une magnifique reprise avec cette Tosca.

Visuels : portraits © Tong Wu et © Yunlong Jia

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