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“La Freak. Journal d’une femme vaudou”, la pièce géniale de Sabine Pakora au Palais de la Porte Dorée !

“La Freak. Journal d’une femme vaudou”, la pièce géniale de Sabine Pakora au Palais de la Porte Dorée !

25 March 2023 | PAR Chloé Coppalle

Ce mercredi 22 mars 2022, la pièce La Freak. Journal d’une femme vaudou était programmée au Palais de la Porte Dorée dans le cadre de la 7ème édition du Grand Festival contre le racisme et l’antisémitisme. Une comédie qui questionne la représentation des acteurs et actrices noirs au cinéma et au théâtre. Une mise en abîme géniale, écrite et mise en scène par Sabine Pakora !

Quatre ans après Noire n’est pas mon métier : La Freak. Journal d’une femme vaudou.

Domestique, sans papiers, mère de jeune de banlieue sortie de prison, prostituée, Mama, femme vaudou, servante … autant de personnages collés à la peau des acteurs et des actrices noir.e.s. Seule en scène, Sabine Pakora déconstruit ces typologies socio-professionnelles trop souvent proposées par les directeurs et les directrices de castings. En 2018 pourtant, l’ouvrage Noire n’est pas mon métier dénonçait déjà ces catégorisations ciblant des rôles de personnages hauts en couleur cachant des situations économiques précaires, mais avec le sourire. Des rôles qui dessinent les profils de simples figures maternelles ou de femmes atypiques, car marrantes, aux caractères prononcés, mais dont on ne sait rien. Il y a quatre ans, seize comédiennes s’étaient réunies pour dénoncer ces représentations, dont Sabine Pakora. Malgré une légère évolution, elle dénonce la persistance de propositions souvent stéréotypées.

Dans ce contexte, elle raconte s’être emparée de l’écriture pour se libérer d’intermédiaires cloisonnants. Pour la comédienne, porter ces sujets au théâtre est une manière d’aller « là où on ne vient pas la chercher ». 

Du récit personnel à une histoire globale.

La Freak. Journal d’une femme vaudou retrace une histoire personnelle en parcourant des anecdotes. Sabine Pakora s’en sert pour rappeler qu’on ne naît pas avec ces schémas. On les intériorise jusqu’à ce qu’ils deviennent une norme. Parallèlement, elle invente des personnages qui représentent à leur tour des types, comme une sociologue qui travaille sur le langage et sur les tchips. Ces figures inventées nous plongent dans le temps, de l’époque du Freak Show aux stigmates racistes contemporains. On se moque avec elle des personnages qu’elle caricature. Grâce à ses incarnations vraiment très drôles, Sabine Pakora emporte la salle.

La Freak. Journal d’une femme vaudou : le poids du regard de l’autre dans la représentation de soi à soi.

Quand la pièce commence, la scène annonce la couleur : le thème sera celui du showbiz. Ou plutôt, de ses coulisses. Une penderie, une coiffeuse, des mannequins. La scénographie illustre symboliquement le propos de la pièce, qui raconte l’envers des décors de cinéma : les castings, l’histoire des freak, les stéréotypes sous-jacents.

Et sur les côtés, deux mannequins. Ils pourraient représenter une figure maternelle, la Mama, à gauche, une prostituée à droite. Et au milieu joue Sabine Pakora. La comédienne raconte avoir pensé ses effigies comme des alter ego lui permettant de raconter avec elle cette histoire. Elle explique s’être inspirée de la sculptrice Marie Sibande, qui a construit une large partie de son travail sur le personnage de Sophie, une sorte de double. Sophie est une femme de ménage. La mère et la grand-mère de Marie Sibande étaient agentes d’entretien chez de riches familles blanches sous l’Apartheid. Elle expose son personnage dans des installations questionnant sa catégorie socio-professionnelle d’une part, pour la transformer en effigie inspirée de l’ère victorienne ensuite, puis en l’affirmant plus récemment comme une figure prenant en main les rênes. Les rênes du poids politique, et d’une affirmation différente. Les deux mannequins de Sabine Pakora rappellent aussi l’œuvre de Duane Hanson, qui sculpte hyperréalistement les classes modestes, les gens lambda, la vie quotidienne, les invisibles. La présence de ses mannequins est vraiment bien pensée. Moulés à partir de son propre corps, ils représentent des modèles que Sabine Pakora décide de se réapproprier : de leur conception au choix des vêtements, de leur exposition jusqu’au discours porté sur eux, Sabine Pakora contrôle tout. Une maîtrise absolue de son image, mais aussi de celle de ses modèles.

Si on a lu Noire n’est pas mon métier, on peut penser à première vue qu’on aura à faire à une superposition du livre au théâtre. Mais très vite, on se rend compte que si la pièce aborde ces thèmes, elle dépasse largement la forme du témoignage. La pièce est dense, la pièce est drôle. La question des mannequins vaut le détour. Bref, un grand bravo !

Visuel © Jérémie Levy

 

Représentation : mercredi 22 mars 2022

Le Grand festival 2023 : du mardi 21 au dimanche 26, Palais de la Porte Dorée, Paris
A ne pas louper du Festival : retrouvez l’évènement Afro Future Experience, ce dimanche 26 mars, de 10h à 19h !

Texte, interprétation, conception, mise en scène : Sabine Pakora
Collaboration artistique : Léonce Henri Nlend
Assistante à la mise en scène : Morgane Janoir
Lumières : Matthieu Marques Duarte
Moulages : Daniel Cendron
Production : Sorcières&Cie / Bureau des Filles
Coproduction : Ateliers Médicis, Théâtre de Chelles
Avec le soutien de l’Adami, le Théâtre de la Reine Blanche

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Chloé Coppalle

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