
“We were the future”, la minutie de la lenteur de Meytal Blanaru aux Hivernales
Présenté lors du samedi très dense de la 41e édition des Hivernales, à Avignon, la pièce semble être le miroir opposé à Cellule de Nach, vu juste une heure avant. D’un solo furieux, on passe à un trio qui est au-delà de la colère.
Meytal Blanaru est basée à Bruxelles depuis 2009 et cela se voit. Nous voici dans l’un des lieux iconiques du Festival d’Avignon, la Chapelle des Pénitents Blancs. Ce qui reste de l’église s’effrite mais les ogives sont intactes. La belle idée de la chorégraphe ( et prof de Feldenkrais, c’est important pour la suite) est de nous avoir installés autour des danseurs (Gabriela Ceceña, Lok Wai Chan et Meytal Blanaru). Nous les entourons assis de part et d’autre du plateau très blanc.
La méthode Feldenkrais est un soin par le mouvement. Et tout le travail ici est justement d’accéder au mouvement. Dans une volonté qui ne déplairait pas à Myriam Gourfink, c’est dans l’immobilité que naît le geste. D’abord juste une main qui commence à vivre, puis, bien longtemps après tout un corps. Dans une perception du monde sombre et actuelle, les trois danseurs se croisent sans se voir, et leurs regards sont cliniquement vides et cela est fascinant. Ils sont en eux totalement isolés de tout ce qui pourrait entacher leur concentration.
En live, le guitariste Benjamin Sauzereau offre des nappes vibratoires qui ajoutent au suspens devenu addictif : vont-ils faire société ?
Très bien écrite, la pièce progresse sans faute et sans accélération. Et pourtant, le changement arrive, les déplacements se font tout comme les rassemblements. La danse elle semble avoir été sortie des tiroirs des années 80 et ne boude pas le symbolique. Sur le fond, We were the future dit bien la difficulté à rêver aujourd’hui. Tout cela signe un spectacle d’une belle intelligence.
A voir les 9 et 10 avril au Studio Le Regard du Cygne, Paris et le 14 juin au Festival June Events, Atelier de Paris CDCN
visuel: ©Leif Firnhaber Pinos