
Rocío Molina boucle sa boucle au festival flamenco de Nîmes
Rocío Molina ayant dansé tout l’été, a achevé avec Vuelta a uno sa trilogie sur la guitare entamée avec les tocaores Rafael Riqueni et Eduardo Trassierra. Elle est retournée en enfance sans avoir la certitude d’avoir fait le tour de la question. Elle est apparue à Nîmes plus fantasque que jamais. Plus enfantine, après avoir enfanté une fillette âgée maintenant de quatre ans au visage espiègle et poupin – à l’image de sa mère.
Jeunesse oblige
Quand y’en a plus y’en a encore, pouvait-on se dire en écoutant le jeune prodige alicantin Yerai Cortés chargé d’accompagner la bailaora à la six cordes. D’une aisance peu commune dans les palos visités – sans le besoin de les “revisiter”, optant pour les jouer « droit », se bornant à les agrémenter d’effets de réverbération et d’écho -, il a enchaîné sans discontinuer bulerías, tangos, alegrías, tarantas, tarantos, rumbas, malagueñas, et tutti quanti. Place ayant été faite aux jeunes, Yerai a eu le droit de débuter le show. Comme pour les deux volets précédents, Rocío Molina est arrivée du fond de la scène, à pas comptés.
De l’âge tendre, la danseuse a gardé la curiosité, l’ouverture d’esprit, la spontanéité. Certains tics sans doute aussi mais une technique sans faille : toutes les variations tentées par elle ont été parfaitement exécutées. De la valeur – du noir et du blanc – elle est passée, pour finir en un feu d’artifice, à la couleur. Les costumes de Julia Valencia n’ont jamais été aussi réussis, aussi plaisants à voir – sa tunique noire matelassée ouverte devant était élégante. Le lumiériste Antonio Serrano s’en est donné à cœur joie éclairant de teintes chaudes, rouges et roses, à l’aide de quatre rangées de projecteurs dispatchés sur trois murs de la boîte noire, en l’occurrence la salle honorant la brune piquante, native du pays, Bernadette Lafont.
La beauté du moindre geste
Les zélotes chipoteront le finale, anecdotique, un peu léger, somme toute, à base de déjà vu, avec son japonisme moqueur mais également la maîtrise de l’agrès que fut, au temps du tango, l’éventail pour geishas et pour baile féminin andalou. Dommage qu’on ressente une baisse d’attention spectaculaire ou d’intensité chorégraphique après les passages lyriques qui avaient succédé aux minauderies, lubies et foucades de l’artiste. Du coup, certains ont reproché à la pièce son manque de liant, de sujet, de structure, bref l’absence de livret pour un ballet. Nous avons pour notre part retenu la qualité d’ensemble. D’autant que la suite de danses était déjà une formule volontiers empruntée par la figure historique de la danse espagnole qu’était Argentina.
Ici, nous avons l’humour en sus, et la bonne humeur, et des trouvailles comme ces bulles de chewing-gum bleu qui éclatant au moment opportun, et les bracelets et colliers de bonbons multicolores croqués et amplifiés par un micro vieux style, puis recrachés sans doute en raison de leur teneur en édulcorants, acidifiants, colorants et agents d’enrobage (E470, E100, E120, E133, E160, E163, E903, E904). Rocío Molina renouvelle avec esprit la percussion corporelle. En outre, elle nous offre des variations contrastées, plus nettes et précises que jamais, des enchaînements inédits, des voltes sautées ou sautillées comme à la marelle. Elle pousse la cambrure à 90° dans un geste anodin et passe de la position debout au grand pont et de celui-ci à la position couchée. Un bien bref répit ou repos de la guerrière.
Visuel : Yerai Cortés et Rocío Molina dans Vuelta a uno © Sandy Korzekwa/festival flamenco de Nîmes.