
Les notes justes d’Aurélien Richard au Collège des Bernardins
Invité par le Collège des Bernardins dans le cadre du cycle Nouvelles Scènes, le multiple Aurélien Richard a déployé une partition chorégraphique ultra pointue allant de Steve Reich à Willibald Glück.
Tout commence dans la Nef où se tient l’exposition Devenir. Un artiste dessine de façon obsessionnelle des petits personnages et rien ne semble le perturber, ni le public qui entre et discute, ni la pièce qui commence. Au cœur des arcs médiévaux, Aurélien Richard, ici danseur, se sert de sa maigreur pour exploiter tous les souffles de son corps. La performance se nomme Pulse, comme le célèbre morceau de Steve Reich. Il y a cette sensation que Reich n’a écrit que pour la danse tant les chorégraphes ont tenté de le traduire. Certains, comme Anne Teresa de Keersmaeker , avec plus de talent que d’autres.
Alors, comme chez la reine Anne d’ailleurs, la scène est ponctuée de cercles tracés à la craie. Lui va évoluer sur cette scène et parfois en sortir. La ligne est claire : le danseur ne doit pas illustrer une musique, il doit l’incarner. Richard est tout simplement saisi par ce morceau qui bat au rythme du cœur. Possédé jusque dans un cri silencieux, il ne cherche pas le joli. Son buste qui s’élève nous permet juste de mieux entendre Pulse. Tourbillonnant et surprenant, le geste impose plus d’angles de que courbes et fait saisir combien Pulse est tiraillé dans son rythme indivisible.
Pour entrer au Paradis, il faut passer par l’enfer, cela semble clair. Symboliquement, nous quittons la Nef pour grimper jusqu’à l’Auditorium à la forme cathédrale. Paradis est la nouvelle création d’Aurélien Richard ici chorégraphe et pianiste. La pièce est naturellement le pendant à Enfer dont nous vous parlions récemment. Il s’agit d’un trio amoureux composé d’un pianiste, d’un homme et d’une femme. Comme précédemment, les touches mènent la danse. Nina Vallon et Philippe Lebhar sont presque chics. Lui porte un costume mais pas de chemise, elle, n’a pas entré son chemisier dans sa jupe. Ils seraient presque élégants même, mais un truc déconne. Non, ça ne va pas être beau. On vous l’a dit, pour entrer au Paradis il faut passer par l’Enfer. Alors ils se tordent, convulsent lentement, tirent la langue et le tout en dissonance. Aurélien Richard au piano cherche les aigus de sa composition, éponyme, Paradis, puis avec La Mort d’Yseult de Wagner transcrite au piano par Liszt. Alors, pour être deux il faut savoir prendre conseil parfois, prendre de l’assurance seule, virevolter sur Strauss pour ensuite se retrouver et marcher dans la même direction. Le plus dur est sûrement de rester immobile et d’écouter. Messiaen, Glück. Le récital est ardu et la chorégraphie n’est pas une alliée ici. La référence paradisiaque n’a rien d’une plage ombragée, elle est tirée de Dante et la douleur est ici une contrainte obligatoire. L’ensemble est exigeant, le résultat est sombre, car bien évidement, le paradis a été perdu. Adam et Eve en sortent en pleurant, mais ensemble. On reprendrait bien un peu de piano pour se consoler. Un bis monsieur Richard ?
Crédit photo : © Myriam Tirler