Danse
L’Oiseau de feu & Le Sacre du printemps au Temps d’aimer la danse

L’Oiseau de feu & Le Sacre du printemps au Temps d’aimer la danse

13 September 2021 | PAR Nicolas Villodre

La maire de Biarritz, Maider Arosteguy, et la nouvelle présidente du Malandain Ballet, Catherine Pégard, nous ont présenté la 31e édition du festival basque avec une création de Thierry Malandain, L’Oiseau de feu, et une autre de Martin Harriague, Le Sacre du printemps.

Danse volatile

Le néoclassique le plus pur ou, si l’on veut, l’expression subtile et éthérée de la danse académique, est la base même du vocabulaire de Malandain depuis de nombreuses années déjà. Ici, la version qu’il nous offre de L’Oiseau de feu est un hommage à la fois à Igor Stranvinsky à George Balanchine. En effet, le chorégraphe établi à Biarritz a opté pour la “suite de concert” de 1945 choisie par Balanchine en 1949, agréée par le compositeur, plutôt que pour la partition originelle (et un peu longuette) donnée par les  Ballets russes à l’Opéra de Paris en 1910. Le sujet du ballet s’inspire toujours d’un conte du folklore russe traitant d’un oiseau merveilleux qu’un prince cherche à capturer. Ce sujet, pour Béjart, était celui du “phénix qui renaît de ses cendres”. Pour Malandain, le bel oiseau est un objet transitionnel qui relie “le ciel et la terre”. 

Sans avoir à recourir à un appoint scénographique, Malandain fait montre de créativité gestuelle et musicale. Son chœur, orthodoxement et unisexement vêtu de robes longues monochromes – noires au début, éclaircies par la suite, certaines d’elles virant au jeune poussin, si l’on peut dire -, cheminant pieds nus, est d’une fluidité admirable. Lorsque le besoin se fait sentir, il trépigne et martèle le sol de ses talonnades. Les mouvements d’ensemble sont amples et précis. Le soliste – l’oisillon étant incarné par Hugo Layer – a, quant à lui, les petons protégés par des chaussons, si l’on a bien vu. Il alterne extensions et flexions, petits et grands écarts, mouvements brusques et délicats – signes d’une relative fragilité. Nul besoin ou presque de souligner sa condition aviaire à coups de battements de bras. Ses deux partenaires, Claire Logchampt et Mickaël Conte, sont d’un très haut niveau technique. Et leur pas de trois est parfaitement maîtrisé. 

Danse de genre

Martin Harriague qui, selon toute vraisemblance, est appelé à prendre la relève de Thierry Malandain à la tête du ballet portant son nom, tout en déclarant avoir voulu “repartir à la source” s’inscrit dans une démarche “actuelle d’éco-responsabilité” et traite Le Sacre du printemps de manière cinématographique. Au deuxième degré, pourrait-on dire, avec, dès l’entame, un clin d’œil à Méliès et à Robert-Houdin, lorsque le chorégraphe fait revivre Stravinsky (joué par Jeshua Costa) devant son piano cherchant le premier thème musical du Sacre. Cette scène théâtrale se poursuit avec l’apparition d’une kyrielle zombiesque rappelant l’origine tellurique du Sacre, non seulement comme composition poly-rythmique on ne peut plus percussive ou percutante mais comme argument imaginé par Stravinsky mais également par le peintre et poète Nicolas Roerich.

Cette résurrection est analogue à celle des films d’horreur de George A. Romero (Night of the Living Dead, 1968) ou de Jim Jarmusch (The Dead Don’t Die, 2019). Bien que Harriague se soit permis de détourner le sens de la parabole du Sacre, transformant un drame païen en rite sacrificiel chrétien, sa version reste intéressante, contrebalançant le ballet qui précède (L’Oiseau de feu), plutôt apollinien, par un tourbillon de mouvements échevelés, d’une même troupe possédée par le démon de la danse. Là où Béjart avait nettement séparé les hommes des femmes, Harriague les fond ou confond volontiers, exception faite de la malheureuse élue (on dirait aujourd’hui, en usant du franglais, “éligible”), interprétée par Patricia Velázquez, promise à l’immolation.  À cet égard, la coda ascensionnelle sulpicienne ne saurait absoudre le féminicide!

Visuel : Thierry Malandain, L’Oiseau de feu © Caroline de Otero.

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Nicolas Villodre

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