
Les Chicos Mambo au Théâtre Bobino: une vraie tutuerie!
Revenant sur les scènes parisiennes avec une création-anniversaire, Philippe Lafeuille propulse ses danseurs à travers une histoire de la danse et de son costume, dans un carnaval délirant qui ne manque ni d’audace, ni de moments de grâce. Une grande bourrasque de chaleur et de dérision, qui réinvente ballets classiques et stars de télé-réalité avec le même mordant. Irrésistiblement drôle et délicieusement kitsch- on met un 9!
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La troupe de Philippe Lafeuille a vingt ans d’âge, le tutu a presque deux siècles. Tous deux sont cependant aussi polymorphes: du fameux “tutu-plateau” à tous ses dérivés- robes fluides et romantiques, tunique de danse latine, justaucorps de GRS voire même survêtement, la pièce est ainsi l’occasion pour sept joyeux drilles de pasticher tous les styles de mouvement possibles et imaginables, du classicisme mignard au hip-hop débraillé en passant par Dirty Dancing et un “tango-macho” aussi suave qu’hystérique.
Et loin du cliché des danseuses tirées à quatre épingles, les “Gars du Mambo” ne reculent devant rien. Il en fallait, de la fantaisie, pour imaginer cet académique bouffant qui transforme le tutu en une choucroute éléphantesque! Drôles d’oiseaux que ces “Hommes-Tutus” ainsi accoutrés, tenant plus de l’autruche que du cygne en vérité.
Vidéo teaser du spectacle par Val Productions
Sous les paillettes du théâtre Bobino, la boîte à musique nous réserve plus d’une surprise: les morceaux y défilent comme une tornade, pour une débauche de tulle et d’impertinences qui laissera nos interprètes échevelés. Passant d’un registre à un autre avec une virtuosité monstre, ils s’essayent même au mélange des styles en superposant, avec plus ou moins d’élégance, mouvements hip-hop et néoclassiques…
Au milieu de ce bal insensé et parfois trash, une évidence: la justesse et la qualité du spectacle proposé. Car le pari le plus fou remporté par les Chicos Mambo est celui d’une oeuvre qui parle à tous, homme ou femme, blanc ou noir, néophyte ou spécialiste: derrière les références grand public, des allusions plus fines peuvent en effet être décelées, sans rien sacrifier du ludique ni du cocasse. On songe notamment à la pertinence du choix des morceaux parodiés, grands monuments de la chorégraphie dont Philippe Lafeuille sait déceler le potentiel comique comme peu d’autres.
Les Ballets Trockadero dans La Mort du cygne
On aperçoit bien sûr le spectre des Ballets Trockadero dans les imitations classiques: créée en 1974, la troupe exclusivement masculine s’était déjà fait une spécialité de ces reprises déjantées dans lesquelles les cygnes perdent leurs plumes et les princesses travesties lancent au public des œillades maniérées. Force est de constater que les Chicos Mambo, s’ils n’en sont pas les pionniers, excellent dans cet exercice, entre leur Adage à la Rose surnaturel et leurs petits cygnes obèses qui se déhanchent en claquant des doigts! Et d’un point de vue technique, ces danseurs potaches portent haut leur panache, avec de réels moments de grâce comme cette puissante Mort du cygne ou les vrilles tamisées d’un danseur suspendu par une corde et des chaussons à pointe.
Le public en sort ravi, et peut même s’aventurer de plain-pied dans cet univers loufoque, puisqu’en bons communicants, les Chicos Mambo ont mis en place un dispositif permettant aux inconditionnels -ou aux excentriques- de se prendre en photo devant le tutu de l’affiche.
Du 10 octobre au 31 décembre 2014. 19h du mardi au samedi, lundi et dimanche 16h. Durée 1h30. de 20€ à 50€.
Visuels: Photographies de Michel Cavalca
Vidéo teaser du spectacle par Val Productions
Vidéo des Ballets du Trocadéro dans La Mort du Cygne