Le plateau 100% féminin de Danse Dense à la Belle Scène Saint Denis
Jusqu’au 17 juillet, la Parenthèse accueille, l’après-midi, la programmation pointue et formidable du réseau Danse Dense : Water, l’atterrée des eaux vives de Castélie Yalombo, Balec (extrait) de Chloé Beillevaire et Sabina Scarlat, Magdaléna de Chloé Zamboni. Un plateau féminin et féministe de talent.
La rage de Castélie Yalombo
Au départ, elle semble se contenir dans un geste ancestral. Elle remplit de longs vases d’eau, elle les vide, elle les transvase. Elle essore aussi, un sweat jaune, comme si elle était au lavoir. Très vite, elle convoque des figures de la domination coloniale. Elle est longue, puissante. Rapidement, la danse s’empare de son corps et des nôtres. Elle se démembre, s’ausculte. Elle dissocie, dans une forme de possession, toutes ses articulations. Plus elle avance, plus son geste se transmue en parole. Elle se moque et elle attaque “la pyramide des souillures”. Cet extrait alléchant de Water, l’atterrée des eaux vives dénonce avec force les oublis de l’histoire.
Le trip SM de Chloé Beillevaire et Sabina Scarlat
Un duo et des collants, beaucoup de collants. Voilà le délire super bien ficelé des deux danseuses qui arrivent (dans cette version en plein air), la tête recouverte de lycra noir et les bras dans les jambes du vêtement. Cela leur donne une allure de pyramide, mais pas du tout de souillures cette fois, plutôt de l’humour. L’accessoire omniprésent est utilisé jusqu’à son étirement le plus intense. La contrainte des bas noirs leur impose des postures physiques intenses. Elles convoquent tout ce que les entremêlements de cet objet peuvent dire : shibari au masculin, capture sauvage, clownerie qui les amène à la chute… elles osent tout et c’est délicieusement décalé. Techniquement et corporellement, les deux interprètes ne s’interdisent rien et l’air de rien, tout en s’amusant et en nous amusant, elles dénoncent bon nombre de stéréotypes de genre.
La microdanse somptueuse de Chloé Zamboni et Marie Viennot
Le point de départ de ce pas de deux est les célébrissimes Variations Goldberg de Bach. Sans littéralité, la chorégraphe, en étroite collaboration avec Marie Viennot, a travaillé à ce qui fait l’essence de cette partition, et ce jeu savant se retrouve dans les corps des deux danseuses dans une démarche préparatoire.
Elles posent un premier mouvement très graphique. Toutes en noir, queue de cheval tirée, elles s’asseyent l’une dans l’autre pour ne composer qu’un seul tailleur, qu’un seul corps. Tout au long de la pièce, elles vont faire corps commun en convoquant des coupures franches.
Leurs bassins sont captivants. Elles dissocient avec brio le bas et le haut. À cela s’ajoute un jeu de regards bien freak qui nous entraîne dans une forme d’horreur qui ajoute de l’étrange à la structure.
Il s’agit dans la réalisation d’un travail très proche de l’écriture de Myriam Gourfink où tout mouvement vient du nombril et de la respiration. Dans leurs dos raides et leurs bras qui souvent servent de lignes continues, elles témoignent, par leurs postures mêmes, d’une intense recherche somatique.
C’est subtil, beau et merveilleusement écrit. À un moment où la danse peine à renouveler ses écritures au-delà des grands ballets, il est génial de voir un pas de deux resserré, moderne, qui cherche à interroger les nouvelles formes possibles d’un mouvement dans la contrainte.
A la belle scène saint-denis jusqu’au 17 juillet à 17h. Durée 1H30.