“La Source” à l’opéra Garnier : l’élégance classique au sommet
Lorsque Jean-Guillaume Bart, ancienne étoile de l’Opéra, décide de recréer sa version de La Source en 2011, sous l’égide de Brigitte Lefèvre, il s’entoure d’une équipe rêvée : Christian Lacroix aux costumes, Éric Ruf aux décors et Clément Hervieu-Léger à la dramaturgie. Une réussite qui se confirme cette saison.
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En bon élève de l’auguste maison, Jean-Guillaume Bart semble avoir placé son travail sous le signe de l’équilibre. Musique, décors et costumes se répondent avec beaucoup de précision au service d’une narration fluide, dans la plus pure tradition du ballet classique à pantomime. Une tradition cependant jamais ennuyeuse ou pesante : avec beaucoup de subtilité, le chorégraphe parvient à enrichir des relations corollaires à l’intrigue principale, comme celle qui unit Nouredda, l’héroïne féminine, à son frère Mozdock, joliment interprété par Vincent Chaillet ce soir.
Le livret convoque deux univers récurrents du répertoire : la tradition folklorique russe et l’orientalisme des sérails. Or point de décors de carton-pâte ici : difficile de restituer la poésie et l’inventivité d’un décor uniquement composé… de cordes ! Les profondeurs sombres de la scène ne font que mieux scintiller les paillettes et les couleurs chatoyantes des costumes de Christian Lacroix, ressuscité dans ses plus belles années Haute Couture. La délicatesse du nuancier des tutus longs des nymphes le dispute à la richesse des brocarts des Caucasiennes, même si, avouons-le, tous les Caucasiens ne portent pas la toque avec la même prestance…
Mais place à la danse, avec une chorégraphie qui sait faire la part belle aux rôles masculins, tout en offrant deux magnifiques rôles féminins contrastés (Nouredda et Naïla), interprétés respectivement ce soir par Laetitia Pujol et Ludmila Pagliero. Plus séductrice que romantique, la première trouve ici un rôle à sa mesure, quand Ludmila Pagliero se révèle pleinement au second acte, sa Naïla se faisant de plus en plus aérienne et évanescente jusqu’au terrible sacrifice final. Le livret complexe mais limpide offre des pas de deux variés, virtuoses et enlevés. La prestation du Premier danseur Emmanuel Thibault dans le rôle de l’elfe vert Zaël, tout en sauts et espièglerie, a été particulièrement remarquée ce soir. Karl Paquette, en revanche, dans le principal rôle masculin, semblait à la peine dans les portés, notamment avec Ludmila Pagliero, ce qui laissait craindre une blessure…
L’ensemble compose un ballet fluide, riche et ponctué de plusieurs tableaux sublimes. De quoi s’aventurer hors des sentiers rebattus du sempiternel Casse-Noisette de Noël.
Visuels : © Julien Benhamou / Opéra national de Paris