Danse
Inizio de Francesca Ziviani

Inizio de Francesca Ziviani

18 March 2022 | PAR Nicolas Villodre

Dans le cadre de son festival Signes de printemps, le Regard du cygne nous a fait découvrir la dernière pièce de Francesca Ziviani, un solo d’une quarantaine de minutes sobrement intitulé Inizio.

Folie douce

Remarquable danseuse chez Gallotta, Veyrunes, Fattoumi et Lamoureux, Francesca Ziviani a, depuis quelque temps, souhaité prendre l’alternative pour devenir chorégraphe à son tour. Être calife à la place du calife n’est pas évident, on le sait. S’il arrive qu’un danseur moyen puisse sans problème diriger ses pairs, il n’est pas toujours aisé, y compris pour les virtuoses, d’y parvenir, les deux domaines requérant des compétences spécifiques. Malgré quelque péché mignon dû à l’ambition d’un propos qu’on a voulu illustrer par la danse et par le théâtre, sans doute aussi  à la générosité d’une interprète qui se donne totalement pour traiter du mythe de Lilith -, la pièce est captivante, parfaitement menée et structurée.

Plus que de la danse-théâtre, l’opus s’inspire, avons-nous l’impression, d’une forme opératique voisine de la poésie de Cocteau ou de Pasolini (on pense à son film sur Médée), rappelant l’univers sataniste de Kenneth Anger et donc celui du mage Aleister Crowley, qui, comme on sait, fonda au début des années vingt l’Abbaye de Thélème à Cefalù, en Sicile. Les spécialistes de la danse contemporaine se souviennent d’une chorégraphe comme Karine Saporta qui, dans les années 70, mirent en lumière les thèmes de la sorcière et de la convulsionnaire très en vogue chez les féministes, quelquefois en jouant littéralement avec la folie ou avec le feu.

La salopette bleue

Comme Cocteau, Ziviani travaille la mythologie; elle s’écarte de la vision biblique, évangélique, angélique des pays latins; elle ne va pourtant pas jusqu’à l’hérésie. Comme Cocteau, elle fait usage d’une combinaison de garagiste, d’une tuta da lavoro d’un beau bleu vif, remémorant la tenue de Jean Babilée dans Le Jeune homme et la mort (1946). Le crâne de Yorick présent dans Le Jeune homme est également utilisé par elle avec quelques accessoires qu’elle sait exploiter efficacement : le bâton de pèlerin, de pestiféré, de mendiant ou de juif errant, le métrage de tissu de couleur de sang, le sable, etc.

La chorégraphe n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à s’appuyer sur des scies musicales qui, reconnaissons-le, produisent toujours leur effet : la Danse macabre (1874) de Camille Saint-Saëns, à laquelle Walt Disney consacra une Silly Symphony en 1929 et rien de moins que l’hymne italien, qui fut composé en 1847 par Goffredo Mameli. Le silence du début est brisé par des cris d’aliéné; celui du finale est saturé de tambours. La structure de la pièce nous a paru cyclique, la mise à nu de la soliste suivant un long et intriguant manège dans la salle patinée bellevilloise.

Visuel : Francesca Ziviani dans Inizio © Nicolas Villodre 2022.

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