Danse
Ghost/ Still Life : les dessous chics d’Angelin Preljocaj au Pavillon Noir

Ghost/ Still Life : les dessous chics d’Angelin Preljocaj au Pavillon Noir

23 November 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

52 spectacles… tout de même. Nous ne savons pas si le chiffre comporte la très belle et très resserrée création 2018, Ghost, mais ce que l’on sait c’est qu’elle est à voir impérativement.

Plus de cinquante spectacles dont deux Cours d’Honneur à Avignon, et des collaborations artistiques aussi vastes que la grammaire preljocajienne peut l’être. On aime ses spectacles à la folie et parfois beaucoup moins. A chacun son « Angelin ». Certains spectateurs sont dingues de ses spectacles contemporains, aux lignes pleines d’humour et d’autres préfèrent les pièces qui leur racontent une histoire. Enfin, normalement, car Ghost est l’alliance parfaite entre l’abstraction et la figuration, contredisant tout ce qui vient d’être dit.

Tout commence par un casting troublant:Mirea Delogu, Antoine Dubois,Nuriya Nagimova et deux danseuses issues du Ballet de L’Opéra National de Bordeaux : Anna Gueho et Alice Leloup. Ce n’est pas étonnant quand on sait les bases classiques du chorégraphe. Tout commence vraiment par une image folle. « Fever » de Peggy Lee au son et quatre ballerines au sol. Elles ne dansent que du haut du corps, dans un clair-obscur ciselé par Eric Soyer ici à son meilleur. Elles sont à contre-jour. Seule la ligne compte. Et, en matière de représentation symbolique du lac des cygnes, c’est bien le tutu qui compte non ?
Car ce petit bijou ultra rapide (15 minutes) est une commande du Festival Diaghilev de Saint-Pétersbourg.
Il s’agissait de rendre hommage à  Marius Petipa. Preljocaj a imaginé un rêve qui deviendrait le célèbre Lac. Le conte est ici semi romantique,semi érotique, car si les danseuses sont vêtues de soft tulles blanches en bas, leur haut est « juste » un soutien-gorge en dentelle rouge, très cabaret.
Tout va très vite ici dans un rythme fou. Les filles s’épuisent sur les pointes dans des gestes à la difficulté folle. De la même façon que le « Jean-Pierre » de Personne n’épouse les méduses est encore dans nos têtes depuis vingt ans , ce tableau qui montre les danseuses sur pointes, alignées, tremblantes jusqu’au dernier bout de tutu restera gravé.
Il y a de l’humour dans le décalage entre l’image et le geste. Un danseur, Antoine Dubois est une allégorie du chorégraphe. Il excelle en sauts à l’amplitude immense, il va devenir le pivot des danseuses désormais réunies, comme si elles n’étaient qu’une, et lui, un torse.
Ghost passe ..à la vitesse d’un fantôme pressé et on sort de là très frustré. On a envie de plus.

C’est pourquoi Le Pavillon Noir, qui est le Centre Chorégraphique National d’Aix en Provence a pensé accoler la création 2017,Still Life. Il s’agit un bûcher des vanités shakespearien où le chorégraphe se fait plaisir dans une ambiance noire ultra glamour.

Les danseurs et les danseuses (Baptiste Coissieu, Margaux Coucharrière, Isabel Garcia Lopez, Verity Jacobsen, Redi Shtylla, Cecillia Torres Morillo) portent tous des bodys en dentelle et se défient. La danse est ici lyrique, elle raconte. L’histoire est celle de combats archaïques. Les jambes se font larges, les portés et les équilibres extrêmes. La rage se veut palpable et immédiate. On s’amuse d’un ballet sans tête qui rappelle Paysage après la bataille ( 1997) où les interprètes dansaient en tenues de chimpanzés. On est aux anges dans ce monde infernal quand les hanches se désaxent et que les corps se tordent, perdant toute recherche de beauté pour touchés à un graphisme plus anguleux, plus violent. La lumière, toujours d’Eric Soyer est crépitante et glacée, pour notre plus grand plaisir.
Et si dans ce papier, on en vient à citer le passé, c’est aussi pour signaler qu’Angelin Preljocaj utilise un procédé très musical, le rewind, dans ces deux chorégraphies. A la fin, il reprend le début, mais à l’envers… et c’est très beau. Cela nous rassemble, nous place dans un déjà-vu familier. Et cela ajoute encore plus à la cohérence de cet ensemble, qui permet de montrer tous les aspects du chorégraphe à la carrière si riche. Le spectacle joue encore ce soir au Pavillon Noir , mardi 27 novembre à Saint-Pétersbourg ( si jamais! ) et sera à Paris, dans le cadre du festival SÉQUENCE DANSE PARIS du 17 au 21 avril, au Centquatre.

Visuel : Still Life© Jean-Claude Carbonne

Playlist partenaire – Jazz au Fil de l’Oise 2018 #4 #5
Agenda du weekend du 23 novembre 2018
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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