Danse
Danse et art numérique à l’hôpital de L’Arbresle !

Danse et art numérique à l’hôpital de L’Arbresle !

27 January 2023 | PAR La Rédaction

 

Pendant plus d’un an, l’hôpital de L’Arbresle a fait réaliser aux résidents de son Ehpad  un projet artistique inédit : une fresque en mouvement et interactive !

Par Martine Pullara

Mis en place par l’hôpital de L’Arbresle (près de Lyon), sur une proposition de Prose Event et en collaboration avec la Maison de la danse, Donne vie à l’univers de l’Ehpad de L’Arbresle est un projet hors norme qui impressionne par son contenu et la durée de son élaboration (plus d’un an). L’enjeu ? Créer avec les résidents de l’Ehpad une fresque en mouvement projetée sur grand écran, réalisée à partir d’ateliers précis : choisir un sujet – ce fut la ferme avec ses éléments (animaux, tracteur, bâtiments, fleurs, nuages, soleils, oiseaux, blé….) –, le dessiner, inventer la musique, apprendre et danser des mouvements qui via une reconnaissance numérique font se mouvoir chaque élément de la fresque. Le tout prolongé par une exposition de portraits de résidents autour de textes et de photos avec des restitutions en public qui verront leur apothéose en mai 2023 après qu’un plasticien aura aidés les participants à peindre la fresque sur un mur de l’hôpital.

Mettre les résidents dans une position d’artistes

« Le point de départ, nous dit le directeur artistique Nathan Belfer, est un projet de création pour lequel j’avais proposé à l’illustrateur Corentin Asproni de faire vivre ses dessins à travers l’oeuvre “Donne vie à l’univers de Corentin”. Partant de ce principe, il leur a proposé de faire des dessins qui soient animés et en interaction avec eux. Notre objectif était de mettre les résidents dans une position d’artistes, de les accompagner dans le processus de création d’une œuvre originale en utilisant la pluridisciplinarité et l’art numérique ; de les aider à puiser dans leurs souvenirs, leur imaginaire pour donner vie à un univers onirique et interactif. » La gageure était d’amener les résidents vers le numérique. Et c’est là que réside le travail de Prose Event car même si le projet est considéré comme art numérique par les outils de création et le format de restitution projetée de la fresque, une grande partie (dessins, musique, mouvements…) relève du spectacle vivant et des arts visuels. La partie proprement numérique, par exemple la reconnaissance des mouvements par un logiciel spécifique, a été adaptée et simplifiée de manière que les résidents comprennent ce qu’ils faisaient lorsqu’ils étaient devant l’écran.

Un projet inédit, pluridisciplinaire et intergénérationnel

Ainsi, pendant plusieurs mois, des personnes âgées de 60 à 99 ans ont parlé, pensé, dessiné, dansé, élaboré des sons, travaillé la coordination de leurs mouvements avec les éléments de la fresque pour la faire vivre devant nos yeux. Faisant appel à une multitude de pratiques artistiques, elles ont créé une œuvre totale en participant à toutes les étapes de sa création. Un projet inédit en Ehpad ! « Nos résidents ont montré de quoi ils étaient capables, dit Véronique Manillier, art-thérapeute, responsable culture et animation à l’hôpital. Beaucoup pensaient qu’ils ne savaient pas dessiner, danser leur faisait peur et finalement ils ont prouvé que même en fauteuil roulant, même diminué, on peut toujours faire quelque chose avec son corps. Lorsque, avec leurs mouvements, ils font apparaître un élément dans la fresque, le mouvement est plus puissant que si on les faisait simplement danser sur de la musique. Le mouvement est récompensé par l’arrivée de l’élément sur la fresque et c’est vraiment très fort. »

Aidés par des élèves de 3e de la section SEGPA du collège Les Quatre-Vents de L’Arbresle, les résidents ont commencé par le travail graphique, puis ils ont constitué un autre groupe accompagné par Nancy Coullandaye, musicothérapeute, avec les patients de l’hôpital de jour pour développer une expérimentation sonore sur le thème de la ferme. « Si au départ le dessin est l’étape la plus importante, précise Corentin, toutes les étapes le sont par la suite. Le corps qui rentre en jeu est aussi important car c’est le mouvement qui crée l’image. Pour réaliser un tel projet, il faut s’adapter en permanence, ce n’est pas toujours facile, il faut aller voir chacun et être très présent. La plupart ont des difficultés, ils oublient d’un atelier à un autre, mais chaque atelier leur a apporté des émotions et même s’ils ne font pas le lien, ils ont laissé quelque chose sans s’en rendre compte. »

« Réalisé dans le cadre de Culture et santé, ce projet illustre notre réel engagement auprès des personnes vulnérables, précise Ghislaine Hamid-Le-Sergent, chargée du développement culturel à la Maison de la danse. Ce sont des citoyens à part entière qui ont droit à l’accès à la culture comme tous les autres. Il ne s’agit pas de simples animations mais de la création d’une œuvre totale qui embarque l’hôpital, les soignants, des jeunes, les résidents, avec un formidable mélange de propositions artistiques – arts plastiques, numérique, danse, écriture et photo – et, en ce sens, il est vraiment unique. »

La danse pour la première fois à l’hôpital

Chorégraphe et danseuse, Constance Besançon a plongé à corps perdu dans ce défi de danser pour la première fois avec des personnes âgées qui de surcroît n’avaient jamais suivi d’ateliers de danse. Échauffement, improvisation, travail du mouvement en miroir pour pallier les troubles cognitifs et d’audition, elle les a accompagnés avec deux danseuses complices (Florie Mongredien et Orégane Le Nir) dans la prise de conscience de leur corps en fonction de leurs capacités physiques, pour leur apprendre les mouvements nécessaires à l’apparition des éléments de la fresque. « Malgré leurs difficultés, ils étaient tous volontaires, cela m’a permis de développer leurs capacités d’écoute, de concentration, de coordination et de mémorisation, tout comme le rythme et le lâcher prise sur la musique. Ce projet offre beaucoup de possibilités au niveau de la danse. » Avec Constance, les corps (comme les fauteuils roulants) ont envahi l’hôpital dans une joyeuse cacophonie, pour sentir à nouveau le vivant, se laissant aller au plaisir par-delà la douleur, à la mémoire des gestes, aux rythmes recouvrés, oubliés dans l’immobilité…

Ils sont à l’image de la ferme et apportent chacun un fragment de leur vie pour constituer un tout

En construisant ce projet, les résidents ont créé un autre hôpital. Le transformant en un lieu de ralliement où ensemble ils ont fait lien, en pleine conscience, sans le savoir ou en ressentant sans pouvoir dire. Le plongeant dans un mouvement perpétuel où l’être reprend toute sa place, debout, hésitant, déformé, assis, avec quelque chose qui brille toujours en lui. Parmi ceux que nous avons rencontrés, il y a Yvonne, le corps entier engagé, long, sinueux, calée dans son fauteuil, nuque courbée, concentrée jusqu’au bout des mains. Tout le temps à se dire qu’elle était nulle et qui a fait de magnifiques dessins. « Ça nous a remué le cerveau, dit-elle, de travailler sur ce projet, on a réussi à donner la vie à travers des dessins avec nos souvenirs de la ferme, c’est pas facile, mais c’est bien. » Rose, timide, qui n’a eu de cesse d’enrouler son corps, se mettant à l’écoute de ses propres vibrations et de ses tapotements de mains. « Pour faire apparaître le chien j’ai bataillé car j’entends mal, j’ai mal aux bras, mais j’y suis arrivée finalement », dit-elle fièrement. Joël, inoubliable avec sa voix grave, son rire, ses yeux grands ouverts et sa bonne humeur, se faufilait au milieu de la danse des fauteuils pour faire avancer son fermier. « C’est léger de danser tout cela. Je reste dans la chaise, je suis content. Je réalise mon rêve ici, je danse comme dans mon rêve, en la faisant bouger, on s’y croirait dans la ferme, ça fait drôle mais c’est chouette ! » Et Marie avec son regard illuminé et profond, corps appuyé sur sa canne, qui fait pousser les tomates entre sol et ciel, ondulant son bras à la manière d’une danseuse de Ballet.

 

Embarqués dans l’explosion des souvenirs pour laisser à tout jamais une mémoire vivante, ils ont créé leur propre ferme, puisant dans leur réel et leur imaginaire, creusant le rêve grâce au virtuel. Tour à tour légers, fatigués, ronchons, distraits, engagés, souriants, heureux. Accueillir ce projet dans ce lieu, c’est donner à voir des milliers de vies et non plus les cacher ou les assombrir. C’est donner corps à des histoires, des parcours, par le seul plaisir d’être là. Ils ont ri, dessiné et dansé, révélant avec étonnement et fierté de nombreux talents oubliés ou enfouis. Recouvrant une incroyable estime de soi.

Ensemble, et malgré la mémoire qui flanche, ils ont rassemblé des fragments de vie pour constituer un tout, une œuvre colorée et mouvante inscrite à jamais dans le cœur du public et sur les murs de l’hôpital !

Donne vie à l’univers de l’Ehpad de L’Arbresle, restitution le 4 février à la Médiathèque de L’Arbresle à 11 heures. Ouvert à tous.

En avril à la Maison de la danse.

www.mediatheque-2l.fr

www.hopitalarbresle.com

 

 

Visuel : @Ghislaine Hamid

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